La première et indispensable qualité d’une scripte, c’est sa capacité d’adaptation. D’un film à un autre, d’une expérience à l’autre, on est toujours confrontée à quelque chose de différent : dans le système de production, dans la réalisation et les équipes. Il faut être infiniment caméléon, s’adapter aux films sur lesquels on travaille, au caractère changeant des réalisateurs, être en bonne santé tant sur le plan de l’équilibre nerveux que de la résistance physique. On peut cultiver le sens de l’observation et la mémoire visuelle mais d’autres dispositions s’acquièrent plus difficilement. Personnellement, j’aurais eu du mal à m’adapter à une vie de bureau mais il existe une forme d’insécurité de l’emploi qu’il faut gérer, on est jamais sûr de continuer sur le même rythme et ce sont des métiers qui ne favorisent pas la vie de famille.
La formation de scripte proposée à la Fémis est très bonne. La première année se déroule en tronc commun, tous les étudiants sont ensemble et réalisent un film en 16 mm. Ils ont la possibilité de s’essayer à tous les postes, de travailler en équipe et de prendre conscience du travail de chacun. Lors du second cycle, tous se spécialisent dans leur partie. En Belgique, à l’INSAS puis à l’IAD, j’ai beaucoup appris au contacts des assistants réalisateurs et des chefs-opérateurs. Ils m’ont expliqué en quoi ils avaient besoin de moi et m’ont poussé à me poser des questions, à réfléchir sur l’utilité de ce qui est noté et à la finalité de mon travail. Les stages en régie ou même en figuration sont essentiels pour se rendre compte de la réalité des tournages et il ne faut pas hésiter à contacter directement les sociétés de production.
La scripte est la mémoire du film. On tourne rarement un film dans la continuité chronologique du scénario ; lorsqu’on fait le plan de tournage, on regroupe les séquences par décors et selon la disponibilité des comédiens. Le réalisateur et les techniciens finissent par s’attacher aux parties du film au détriment du tout et les enchaînements entre les séquences et les plans posent des problèmes de raccord qui concernent tous les postes. Ces problèmes sont centralisés par la scripte, qui doit rappeler sans cesse ce qu’on a fait et ce qu’on va faire. Elle est la garante de la continuité du film.
En plus des notes sur les raccords, la scripte doit tenir à jour quatre rapports bien précis. Le premier concerne le montage. La scripte a la responsabilité du lien entre le tournage et le montage, elle donne au monteur des précisions sur le matériel tourné et des indications sur les volontés du réalisateur. Aujourd’hui, le montage s’effectue en partie en même temps que le tournage. Pour « Laissez-Passer » de Tavernier par exemple, une heure était déjà montée à la fin du tournage et pour une série télé sur laquelle j’ai travaillé, le film était diffusé seulement huit jours après.
Deux autres rapports sont faits pour la production : un rapport journalier, qui précise les consommations de pellicule et de bande magnétique, les horaires, les présences des comédiens et figurants, les techniciens en renfort, les séquences tournées avec une évaluation de leur durée afin de la comparer avec le pré-minutage effectué en préparation, et un rapport horaire, dit « mouchard », témoin du déroulement du tournage : les plans tournés, les horaires, la clôture. Lorsqu’il y a un problème, c’est une assurance pour la production qui peut voir les manques éventuels lors du tournage (techniciens, machinerie…). Un dernier rapport, qui tend à disparaître, est destiné aux laboratoires et concerne la pellicule ou le traitement numérique et vidéo.
La scripte a un rapport privilégié avec le réalisateur, elle est souvent son premier interlocuteur sur le tournage et sert aussi de lien entre lui et les comédiens, elle joue souvent les mamans, d’autant que le 1er assistant est souvent coincé dans des problèmes de logistique qui l’éloignent de la mise en scène et le rapprochent davantage de la production.
Avec l’allègement des matériels, on tourne beaucoup plus vite. La reprise vidéo (combo) permet de se concentrer davantage sur le rythme dramatique et moins sur les détails prosaïques et les raccords. L’augmentation de la sensibilité des pellicules simplifie la lumière. Avant, il fallait une heure pour éclairer un plan et on ne pouvait en tourner que trois ou quatre par jour. Maintenant, il arrive qu’on en fasse vingt ou trente ! Cette accélération est en même temps une source d’imprécision et de perte de rigueur au plan esthétique ; il suffit pour s’en convaincre de regarder les téléfilms, qui sont tournés selon des méthodes proches du reportage. Rappelons que la télévision emploie aujourd’hui beaucoup plus de monde que le cinéma, qui est souvent un miroir aux alouettes.
(Témoignage publié dans l’édition 2003 du Guide des Formations)