Pour un producteur de long-métrage, il est aujourd’hui difficile de monter un budget uniquement avec l’avance sur recettes et Canal Plus – qui intervient sur près de 90% des films. Si le montage se fait sans chaîne hertzienne, le film est privé non seulement de ce financement mais aussi, au-delà, de la participation d’autres partenaires qu’il conditionne. Bien sûr, il peut arriver d’avoir de bonnes surprises avec des achats a porteriori. Le producteur doit gérer plusieurs contraintes dont une sorte de pression de la filiale cinéma de la chaîne, qui est certainement rationnelle du point de vue de l’antenne, mais qui peut contribuer à réduire la forme de l’expression.
Pour notre premier long-métrage La Squale, nous avons obtenu la participation de la chaîne M6, puis une fois le film terminé, le Commission de classification a demandé une interdiction aux moins de 16 ans. Nous avons intenté un recours que nous avons gagné, mais cela aurait pu causer un gros préjudice à la chaîne. Les chaînes hertziennes veulent investir dans des films de prime-time. Si ces films sont finalement diffusés en seconde partie de soirée, ils se dévalorisent dans le catalogue du producteur et causer un préjudice marchand, ce qui s’est vu pour « L’appât » de B. Tavernier.
Il est aussi possible d’obtenir un minimum garanti d’un distributeur important, si le film ne convaint pas une chaîne d’investir, et il semblerait que ce financement revienne. Mais il faut être clair sur le fait que les exploitants et les distributeurs ne sont pas les apôtres du cinéma d’art et d’essai. Si le succès commercial en salles se confirme, alors le film peut être vendu cher aux télévisions, et cela s’est vu avec « Promenons-nous dans les bois ». L’intérêt d’être producteur indépendant même si cela reste peu viable économiquement, c’est la capacité à générer des projets très en amont, et pour nous, dans le cas de La Squale, de chercher à scanriser un sujet, un thème que nous trouvions a priori intéressant.
Le producteur est probablement le seul à intervenir à chaque étape du film, du moment où il est initié jusqu’au marketing, à la sortie en salles, à la cession de droit. Pour suivre son projet à toutes ces étapes, il lui faut de la ténacité, ne jamais lâcher sur les objectifs qu’il s’est fixés. Face aux nombreux interlocuteurs de nature différente qu’il rencontre, il doit être convaincu de sa ligne directrice et la tenir sur plusieurs plans : artistique, financier, humain. Une bonne maîtrise du marché de la distribution et de l’exploitation facilitera en outre son travail.
(Témoignage publié dans l’édition 2001 du Guide des Formations)