Samuel Mittelman

Ingénieur du son et mixeur

J’accompagne des cinéastes et des artistes de toutes générations dans la fabrication de leurs films, projets documentaires, fictions ou créations sonores. J’ai commencé très jeune en pratiquant la flûte, puis en faisant des stages en radio et sur des scènes musicales. Je me suis ensuite familiarisé en laboratoire avec la physique du son et la théorie électroacoustique en intégrant une licence en acoustique, vibration et traitement du signal à l’université du Maine, puis j’ai poursuivi mon cursus à L’INSAS à Bruxelles.
Je travaille depuis 2002 sur des films, l’enregistrement de musiques et de dramatiques radio, ainsi que sur le mixage de musiques.
Contrairement à l’image avec le/la directeur·rice photo, l’unité de la bande son ne dépend pas d’une seule personne, il y a d’abord l’ingénieur·e du son en tournage, ensuite lors de la post-production le/la monteur·se son, le\la bruiteur·se, le/la mixeur·se. L’intervention de ces différentes personnes pose le problème de l’homogénéité de la bande sonore finale. Pour certains projets, j’interviens sur une seule de ces étapes, et pour d’autres sur plusieurs d’entre elles.

L’ingénieur·e du son oriente les différents éléments et leur impose un ton et un rythme, afin que l’œuvre trouve une cohérence, une cohésion, une signification en accord avec la demande d’un·e réalisateur·rice. À l’approche intuitive du réel, se substitue une composition. Les voix, les bruits et les atmosphères de notre quotidien deviennent des acteurs sonores. Musicalisés, ils sont source d’imagerie auditive. L’ingénieur·e du son fait face à de multiples situations et doit opérer des choix en fonction des enjeux techniques et esthétiques qu’il rencontre.

À la suite des interrogations sur le scénario et des repérages, on travaille sur le plateau à enregistrer le mieux possible, les scènes, les actions, les dialogues, en rapport avec les acteur·rices, la lumière, l’image, le décor. En dehors du temps de tournage, on enregistre des sons additionnels, des ambiances et des effets qui complèteront la partition sonore du film. Les tournages documentaires constituent une bonne école même si je constate que certains projets se passent malheureusement aujourd’hui de preneur de son, ceci plus souvent pour des raisons budgétaires qu’artistiques.

Le travail du montage son s’effectue généralement à la suite du montage image et varie radicalement selon la réalisatrice ou le réalisateur. Si certains s’en désintéressent, d’autres se passionnent pour la construction sonore et sont très présent·es lors de cette étape de création. Nous écoutons, choisissons, plaçons les sons en rapport avec l’image, la dramaturgie, le récit.
Certains sons sont enregistrés à cette étape par le/la bruiteur·se qui recrée en studio des sons à partir d’objets hétéroclites qu’il/elle possède et accumule, ainsi qu’avec son corps. La difficulté principale réside dans le fait qu’il faut souvent raccorder le son du bruitage avec un son réel enregistré pendant le tournage. La transition doit, en principe, ne pas s’entendre.

Avec l’évolution des mentalités et des technologies, certains ingénieur·es du son montent les sons et réalisent aussi le pré-mixage et le mixage du film. L’amélioration des techniques a permis de développer des traitements sonores à un niveau de détail très précis et d’augmenter l’exigence. Les risques face à ce champ des possibles sont la surenchère, la surcharge ou l’inflation spectaculaire de la bande son avec des éléments non essentiels et la perte des intentions ou le manque de justesse.

Le travail du mixage correspond à une forme d’orchestration et d’harmonisation de l’ensemble des éléments qui seront fixés in fine. Si la dimension technique peut paraitre assez lourde, la responsabilité humaine est prépondérante dans une étape coûteuse et en bout de chaine. Le/la mixeur·se sculpte de manière définitive la bande sonore en accord avec les différent·es intervenant·es (réalisateur·rice, monteur·se, producteur·rice). Il/elle porte la responsabilité de la transportabilité du mixage en salle. Là encore, les situations sont multiples : il y a des réalisateur·rices qui dirigent le mixage comme on dirige des acteur·rices, et d’autres qui ont besoin d’une « locomotive » qui soit force de propositions.

La conception de la bande son est aujourd’hui beaucoup plus élaborée et il est possible de travailler avec un maximum de paramètres ouverts jusqu’au bout du mixage. J’ai à cet effet créé un studio personnel qui me permet de faire plus de recherches sur mes projets et de ne pas être forcément limité par le temps pour aboutir au mixage le plus juste. Cela permet aussi de rester à jour face à l’évolution rapide des technologies et des connaissances. C’est une bonne solution pour bon nombre de projets, surtout si l’on peut finaliser le mixage dans un grand studio.

Durant toutes ces étapes, on vit des rencontres et des échanges passionnants mais ce métier est parfois difficile car il faut s’adapter à des contextes très différents et souvent se remettre en question afin de faire évoluer sa pratique. Les difficultés économiques générales précarisent encore plus la vie professionnelle et la concurrence s’est accrue, du fait de la multiplication des formations et de la révolution technologique. Le secteur est assez saturé. Quelle que soit l’expérience que l’on a du métier, on vit des vagues de travail très intenses et des trous d’air anxiogènes.

Si certain·es ingénieur·es du son pouvaient dans le passé se former sur le tas, de manière autodidacte, les formations sont devenues aujourd’hui incontournables. En France, La Fémis et Louis Lumière restent les meilleures écoles pour accéder à ces métiers. Leurs concours sont difficiles mais elles offrent les meilleures conditions d’études (petites promotions, moyens techniques, intervenant·es professionnel·les de qualité). C’est aussi le lieu et le temps pour se constituer un réseau afin de s’insérer dans la vie professionnelle. Il existe aussi une multitude de formations privées, certaines de bonne qualité, mais elles sont souvent coûteuses. À la sortie, le facteur chance est toujours présent. C’est souvent une rencontre déterminante qui nous met le pied à l’étrier. Il faut être déterminé tout en faisant preuve d’humilité. La pratique, la multiplicité et la diversité des projets forgent l’expérience. Avec le temps, on devient plus efficace, on travaille plus vite, on gagne en précision et en justesse. Le désir de faire, la culture, les voyages et les rencontres, sont autant d’éléments importants dans un parcours où la dimension humaine est essentielle.

À la suite de la révolution numérique, les développements du son aujourd’hui se situent à mon avis dans le traitement de l’espace, ce que l’on appelle plus communément la « spatialisation ». À la suite du 5.1 et du 7.1, on voit arriver de nouveaux formats de projection dits « immersifs », nécessitant plus de haut-parleurs en salle. Au-delà des questions techniques, de nouvelles grammaires du son sont à imaginer. Il est parfois difficile de justifier les coûts additionnels auprès de financiers qui ne connaissent pas forcément bien le travail sonore et ses étapes. Il est crucial d’expliquer, d’argumenter dans le sens du film et de faire preuve d’un grand sens de la pédagogie.

Les pratiques sonores sont au service de l’écriture d’histoires, de projets d’expression contemporaine. Le son est quelque chose de sensoriel qui met en œuvre une mécanique physique très fortement émotionnelle. On vit d’abord le son par sa propre expérience. On est un écoutant de ce monde, un·e auditeur·rice, un·e spectateur·rice de théâtre et de cinéma. Ce rapport à l’écoute est essentiel pour ces métiers et ne cesse d’évoluer depuis la naissance de l’enregistrement et de la reproduction sonore.

(Témoignage publié dans le guide des formations 2016)