J’ai étudié le cinéma à l’université (licence puis master de cinéma) tout en suivant des études de lettres et d’anglais. Après avoir passé l’agrégation de lettres modernes, j’ai enseigné en collège et animé un ciné-club et un atelier vidéo, tout en travaillant avec mes élèves dans le cadre du dispositif « Collège au cinéma ». J’ai obtenu ensuite un poste de professeur de cinéma au lycée Paul Valéry à Paris.
L’enseignement du cinéma au lycée ne fait pas l’objet d’un concours spécifique mais d’une certification complémentaire qui peut être délivrée, soit dans le cadre du concours de recrutement des enseignants, soit en interne (évaluation par une commission de certification) pour les enseignants déjà en poste. Les enseignants de cinéma font appel à des intervenants extérieurs rémunérés par la DRAC. À Paul Valéry, les réalisateurs professionnels qui interviennent sont recrutés par la Cinémathèque Française, qui est le partenaire culturel du lycée.
L’enseignement du cinéma au lycée est à la fois théorique (histoire du cinéma, vocabulaire, analyse filmique) et pratique (conception d’un court-métrage, écriture du scénario, découpage, story-board, direction d’acteurs, prise de son, prise de vue, montage, mixage, étalonnage, fabrication du DVD, projection). Les films réalisés par les élèves sont présentés à l’épreuve du baccalauréat et font l’objet d’une projection annuelle à la Cinémathèque. Nous participerons également cette année au Festival académique du film lycéen organisé par le lycée Raspail à Paris.
En Seconde, nous travaillons sur la notion de plan, le choix s’étant porté cette année sur le genre burlesque, de ses débuts à nos jours. En Première (option obligatoire), nous étudions principalement le scénario et en Terminale, le montage, avec un programme resserré sur trois films dont la liste est publiée chaque année au bulletin officiel (en 2012 : Conte d’été d’Éric Rohmer, Yeelen, de Souleymane Cissé et L’homme à la caméra de Dziga Vertov, qui sera remplacé l’an prochain par To be or not to be de Lubitsch).
En option facultative, l’enseignement s’articule autour de la question du point de vue, en Première dans le cinéma du réel (y compris la question du réel dans la fiction) et en Terminale dans la fiction, autour d’un thème ou d’une consigne d’écriture (j’avais choisi cette année la question du hors champ sonore).
Chaque année, les classes participent à des festivals de cinéma : en Seconde, au festival d’Angers ou de Belfort, par exemple ; en Première à Cannes, et l’an prochain, nous irons peut-être à la Berlinale avec les Terminales. Cette année nous avons été choisis pour représenter l’académie de Paris, et avons participé au jury du Prix national des lycéens, qui est en quelque sorte l’équivalent du Goncourt des lycéens pour la littérature. Les membres du jury ont vu les huit films sélectionnés, ont écrit des critiques et rencontré des réalisateurs, des distributeurs, des producteurs, des scénaristes, des acteurs…
Une grande partie des élèves de l’option Cinéma en section L poursuivent leurs études de cinéma à l’université. Ceux qui veulent se professionnaliser rapidement en préparant un BTS peuvent s’inscrire en montage ou en gestion de production mais doivent suivre une année de mise à niveau s’ils veulent se présenter aux options Son ou Image. D’autres se tournent vers les écoles privées ou des écoles publiques à l’étranger, telles l’Insas à Bruxelles ou les écoles d’art de Lausanne et Genève en Suisse, qui recrutent après le Bac.
Les meilleurs s’inscrivent en classes préparatoires (Lettres supérieures ou hypokhâgne) avec option Cinéma pour préparer notamment le concours de la fémis, accessible à Bac+2. D’autres vont à l’université et reviennent parfois me voir pour préparer le difficile concours d’entrée. Plusieurs anciens élèves ont été admis en section distribution-exploitation, production ainsi qu’en section scénario.
La classe préparatoire littéraire (hypokhâgne et khâgne) de Paul Valéry est la seule à Paris qui propose l’option Cinéma et nous recrutons au niveau national. Une cinquantaine de candidats sont retenus chaque année. Les candidats sont classés en fonction de leurs résultats dans les matières littéraires (français, philosophie, langues, histoire, options artistiques). Nous leur demandons aussi de joindre à leur dossier une lettre précisant leurs motivations. Il est conseillé d’assister à la journée portes ouvertes en janvier, ou de se faire connaître par courrier ou mail.
La majorité des élèves recrutés en hypokhâgne ne vient pas de l’option Cinéma mais les élèves qui n’ont pas suivi cette option rattrapent généralement rapidement leur retard. Les quatre heures de cours de cinéma comprennent une partie théorique (histoire du cinéma, analyse filmique, préparation à la dissertation) et une partie pratique (exercices, réalisation de courts-métrages, ateliers).
Les étudiants travaillent cette année sur le cinéma documentaire et le cinéma expérimental : ils doivent réaliser un film entre Paris et New York, où l’on part au mois de juin pendant une semaine, avec un tournage dans chacune de ces villes. L’an dernier, nous avons travaillé en partenariat avec NYU et les élèves ont suivi une master class lors d’un festival qui se déroule alternativement à Paris et à New York.
Tous les ans sont organisées au moins cinq conférences à la Cinémathèque avec des professionnels ou des universitaires. Bien que l’enseignement théorique soit plus important en raison des concours, nous tenons à accorder une place à la pratique, qui permet d’expérimenter concrètement les questions de cinéma.
Il y a deux débouchés historiques principaux pour nos étudiants en classe préparatoire, l’ENS de Lyon et l’ENS de la rue d’Ulm, à Paris. Mais les étudiants préparent désormais aussi simultanément les concours d’entrée à diverses écoles : écoles de journalisme, de commerce ou de management, Sciences-Po, instituts de traducteurs, etc. Certains préparent en plus la fémis, qui recrute statistiquement chaque année un tiers environ d’ex-khâgneux. Les élèves titulaires d’un Bac scientifique peuvent aussi préparer Louis Lumière. Les autres peuvent intégrer l’université en troisième année de Licence (en cinéma ou en double cursus). Les meilleurs peuvent refaire une deuxième khâgne pour mieux se préparer aux concours (s’ils sont admissibles au concours, ils pourront de droit s’inscrire en Master 1 à l’université).
Les débouchés de l’option Cinéma sont donc très variés. Elle permet aux élèves d’acquérir dès le lycée une culture cinématographique, par la découverte des grandes œuvres de l’histoire du cinéma, et de découvrir la diversité des métiers du cinéma par la pratique des différents postes lors de la fabrication des courts-métrages et à l’occasion des rencontres avec les professionnels, en particulier dans les festivals. C’est donc une formation qui ouvre des horizons intellectuels et culturels, plutôt que d’enfermer prématurément dans une spécialité. Tous ne travailleront pas dans le secteur du cinéma ou de l’audiovisuel, mais tous auront besoin d’une culture générale solide, cinéphilique certes, mais aussi ouverte aux humanités en général, à la littérature, au théâtre, à la musique, et plus généralement à la culture contemporaine et à l’histoire.
(Témoignage publié dans l’édition 2012/2013 du Guide des Formations)