J’ai découvert le scénario en 1988 dans l’atelier de Christian Biegalski, à Paris 3 Censier alors que j’étais en licence d’études théâtrales. Ce fut une révélation. Christian Biegalski était à l’époque un pionnier qui défendait l’idée qu’écrire un scénario, ça s’apprend. Il a fait école depuis ! Très vite avec ce minimum de formation précieux et efficace, j’ai commencé à travailler pour la télévision. Pour éviter d’être enfermé entre un écran de TV et un écran d’ordinateur et me scléroser, j’ai dirigé des ateliers d’écriture, en banlieue, à Paris dans le cadre scolaire, en passant par la prison, un foyer de personnes âgées et une école privée de cinéma, tout en continuant à travailler pour la télévision, le cinéma et la bande dessinée.
Ces ateliers furent une seconde révélation : la joie de partager ma modeste expérience et de défendre le scénario comme objet technique et émotionnel mais surtout porteur d’un point de vue. En bonus, ces ateliers me nourrissaient en termes d’expérience humaine, donc en tant que scénariste. Quand Christian Biegalski a été nommé directeur du CEEA, j’ai compris qu’il avait suivi de près mon parcours car il m’a demandé de rejoindre son équipe pédagogique. C’était pour moi un cadeau et une vraie reconnaissance de la part de celui qui avait été mon « professeur».
Quant aux formations à l’écriture cinématographique en France, il faut bien admettre qu’on y trouve à boire et à manger. Trop d’organismes de formation distillent des recettes, des formules toutes faites que certains formateurs se contentent de recopier dans les manuels sans se poser de questions, pour « remplir le caddie » et satisfaire des stagiaires pressés ou alléchés, qui se voient déjà comme les sauveurs de la fiction française. Il y a un marché assez porteur et c’est peu onéreux à mettre en place, puisqu’il suffit d’une salle de cours, d’une télé et d’un lecteur de DVD. Il faut donc être très, très vigilant quand on cherche une formation. Si le centre de formation fonctionne depuis plusieurs années et surtout si les ateliers sont dirigés par des scénaristes en activité, c’est plutôt bon signe. L’approche ne doit pas être uniquement théorique ; n’importe qui peut s’emparer de la théorie de la dramaturgie mais l’intégrer et l’éprouver, c’est autre chose.
Il y a cependant des formations de bon niveau. L’intérêt pour la dramaturgie et la transmission des savoirs complexes qu’elle exige, prouve qu’on s’est remis à penser au public et au plaisir qu’il a de se faire raconter des histoires. Il ne faut cependant pas sous-estimer les difficultés de ce métier et certains à la sortie de leur formation renoncent à l’écriture de scénario tant cela demande d’efforts et d’humilité. Je me permettrais de donner ici un conseil aux aspirants scénaristes : commencez par vous demander si vous aimez les séries télévisées et le cinéma au point de penser histoires et personnages toute la journée sans vous lasser. Dites-vous bien qu’on ne vous attend pas et que seuls votre persévérance, votre acharnement au travail, votre humilité face aux remarques, vous permettront de devenir un scénariste et peut-être un professionnel. Et si vous cherchez la notoriété, il vaut mieux passer votre chemin !
Le CEEA forme sur deux ans, à temps complet, des scénaristes professionnels recrutés sur concours (14 étudiants par an maximum). La formation est sanctionnée par un titre professionnel national de Niveau1 (équivalent Master 2). Les formateurs du CEEA sont des scénaristes en activité réputés pour leur expérience, leurs qualités pédagogiques et appuyés par des universitaires de renom. Le CEEA propose également des stages de formation continue répondant aux évolutions du marché de la fiction. Le conseil d’administration est composé par les principaux partenaires professionnels et institutionnels (CNC, SACD, Procirep, USPA, Tf1, France Télévision, Arte, M6, Canal Plus, UGS, CDA). 75% des diplômés du CEEA commencent à intégrer la profession en six à dix mois, en tant que scénaristes ou directeurs littéraires.
La principale évolution du métier est l’augmentation de l’exigence en termes d’écriture, donc de compétences et de professionnalisme, ce qui est en principe un plus pour le spectateur, mais qui ne se traduit pas forcément, hélas, par une meilleure reconnaissance en termes de salaires pour les scénaristes. Pour les séries longues à la télévision, l’autre évolution réelle est le travail en atelier, mais on n’est encore qu’au début de ce processus et ça tâtonne encore parfois, faute d’une autorité souveraine qui devrait être dévolue à un auteur et non à un directeur de collection. Ces ateliers sont cependant très créatifs et permettent de fournir des programmes de manière très régulière : huit cerveaux bien orchestrés sur un même problème sont forcément plus efficients qu’un seul.
(Témoignage publié dans l’édition 2010 du Guide des Formations)