Pascal Salafa, assistant réalisateur, Président de l’AFAR (Association Française des Assistants Réalisateurs)

Pascal Salafa, assistant réalisateur, Président de l’AFAR (Association Française des Assistants Réalisateurs)

J’ai fait une école privée, le CLCF, que j’ai financée en faisant des petits boulots, puis j’ai travaillé sur de nombreux courts-métrages avec mes camarades de l’école. N’ayant pu me faire réformer, j’ai fait mon service militaire à la cellule audiovisuelle du Camp des Loges, avec des techniciens, des photographes de plateau et des réalisateurs.

En sortant du service militaire, un membre de ma famille travaillant dans une agence de communication m’a présenté au directeur de production d’une petite société de films publicitaires qui m’a pris en stage. Je faisais un peu de tout et surtout de la régie. Comme je parlais anglais, j’ai été amené à travailler sur des projets pour les Etats-Unis.

Puis j’ai rencontré Georges Dumoulin, ancien réalisateur de l’émission Dim Dam Dom. Il m’a proposé de travailler comme second assistant sur une de ses pub. Je commençais à m’ennuyer dans ce secteur lorsqu’un copain m’a proposé de le remplacer sur un téléfilm américain comme second assistant. J’ai repris le film en 3e semaine de tournage, épaulé par quelqu’un qui avait plus d’expérience que moi : Laurent Brégeat. Ce fut l’une des personnes déterminantes dans mon parcours professionnel. Nous avons ainsi fait deux téléfilms, dont « Le fantôme de l’Opéra » en 1989. J’ai occupé des postes de second Assistant réalisateur durant 5 à 6 ans, puis j’ai enchaîné sur des séries américaines. Les Américains ont une fidélité très pragmatique : si tu fais correctement ton travail, on te rappelle. J’ai fait ainsi les premières saisons de « L’étalon noir » et « Highlander » pour des productions anglo-saxonnes (Canada), avec un rythme de 8 minutes tournées par jour. Deux ans plus tard, j’ai tenté de passer à la réalisation, fort de quelques appuis parmi des techniciens et des réalisateurs, mais les producteurs ne m’ont pas accompagné et j’ai dû retourner à la publicité, avec des clips et des habillages pour France 2, avant de faire mon entrée dans le long métrage.

Le poste d’assistant réalisateur est un poste pivot où il faut connaître de nombreux éléments en termes de production, de technique et d’artisanat de chaque corps de métier. Un bon assistant est à l’écoute et connaît les besoins spécifiques de chaque département. Lorsque le premier assistant dépouille un scénario, il doit être capable d’anticiper et d’estimer la complexité technique du projet, ses implications pour la production et l’apport de l’artistique (casting, figuration). J’ai fait des stages à tous les postes sauf au maquillage et à la caméra, qui demandaient des connaissances artistiques et techniques que je n’avais pas. Cet apprentissage m’a permis d’apprendre le langage et les outils spécifiques des différentes branches.

L’assistant réalisateur est aussi un fusible et une éponge. Il doit être le pare-feux du réalisateur contre les éléments extérieurs qui risqueraient de venir perturber son travail de création. Et en même temps, il doit être capable d’assimiler toutes les informations qui viennent des différents départements, de les analyser, les hiérarchiser, avant de les soumettre au réalisateur et de les faire redescendre. Pour ce travail, l’assistant n’est pas seul et choisit ceux qui collaborent avec lui. Ainsi, je ne prends pour second qu’une personne avec laquelle j’ai déjà travaillé et tissé une relation de confiance totale, basée sur des réflexes et une complicité de travail. Quand au stagiaire, que je préfère appeler troisième assistant, c’est un technicien en formation, dont on ne doit pas exiger l’impossible. C’est souvent mon second assistant qui l’engage. Comme je délègue énormément, je suis très exigeant avec mes collaborateurs, mais je le suis aussi envers moi-même.

Un assistant doit être curieux de tout, ouvert et capable de remettre en question son travail. Il doit aussi avoir un bon sens du contact et une bonne résistance physique. Un long-métrage, c’est un marathon avec 10 semaines de préparation et 10 semaines de tournage. Il faut savoir gérer ce temps-là et l’après. Il faut anticiper mais aussi savoir se fier à son instinct, car chaque film est un prototype.

L’assistant réalisateur, même s’il intervient parfois plus tard, est censé arriver au début de la préparation pour faire le dépouillement, qui consiste à inventorier tous les besoins, et le plan de travail. Je travaille en relation permanente avec le réalisateur, le directeur de production et le producteur. Je suis aussi très attentif aux besoins des chefs décorateurs. Si par exemple, ils ont besoin de deux semaines pour construire un décor, ce sont des indications très précises pour articuler le temps du tournage.

J’ai travaillé au total 5 ans comme stagiaire, 6 ans comme second assistant et voilà 5 ans que je suis 1er assistant. Il m’a fallu 15 ans pour pouvoir dire : “je vis de mon métier et je fais mes choix”. Je conseillerais donc aux jeunes qui veulent vraiment devenir cinéastes de réaliser directement, sans passer par l’étape de l’assistanat. Si un CV singulier peut attirer l’œil, c’est la persévérance et la motivation qui au bout du compte feront la différence. « Vous voulez un bon conseil ? Ne suivez pas les bons conseils?” disait Pierre Dac.

(Témoignage publié dans l’édition 2005 du Guide des Formations)