Julie Siboni

à propos de son film Paméla (2016, 50’ – Pyramide production et Telim Tv / Obatala)

J’ai fait des études de cinéma à Lyon de 2001 à 2005, avec une spécialisation en Histoire du cinéma. En parallèle à mon master, je travaillais pour le festival Doc en courts de Lyon, et c’est là que j’ai découvert le cinéma documentaire. Puis j’ai tourné un film en autoproduction, Point de fuite, qui se déroule dans un atelier d’art-thérapie dans l’hôpital où Van Gogh était interné, à Saint-Rémy-de-Provence.

En 2008, j’ai fait une formation au montage documentaire aux Ateliers Varan, puis je suis devenue chargée de production dans une société de films institutionnels. Lorsque j’ai perdu mon travail en 2013, j’ai à nouveau eu envie de reprendre une caméra. C’est à ce moment là que j’ai commencé Paméla, en « profitant » de mes deux ans de chômage pour prendre le temps d’écrire et de tourner sereinement. Paméla se rapporte à un souvenir d’enfance. J’étais dans l’école communale d’un petit village en Auvergne, à Besson. Un jour, Paméla est arrivée. Elle était noire, du jamais vu à Besson. Paméla souffrait dans la cour de récré et un jour, elle a disparu. Vingt-cinq ans plus tard, je suis partie à sa recherche en interrogeant ma famille et les habitants de ce village un peu coupé du monde.

L’idée de faire de ce souvenir un film n’est pas venue tout de suite. J’avais commencé à en écrire un autre, sur les couples mixtes, sans parler directement de moi. Mais je n’arrivais pas à trouver des « témoins », ni à écrire. C’est au cours d’une soirée avec un ami réalisateur, Thomas Riera, que j’ai évoqué cette petite fille qui était en maternelle avec moi dans un village auvergnat. Là, Thomas m’a dit « Mais c’est un film ! ». Je n’ai pas dormi de la nuit, tant le projet se construisait dans ma tête. Je pense avoir écrit une bonne dizaine de pages le lendemain, et cette base du projet est restée quasi intacte jusqu’à la fin.

J’ai très vite contacté Vidéadoc sur les conseils de mon ami. Anne Paschetta, la conseillère en écriture de Vidéadoc, que j’ai rencontrée à deux reprises pour la réécriture du dossier, m’a confortée dans mon idée. Vidéadoc m’a aussi fourni une liste de sociétés de production et j’ai commencé à les contacter. J’ai en parallèle envoyé un dossier au CNC pour l’aide à l’écriture, que je n’ai pas eue, et un dossier pour la Bourse de la Scam, Brouillon d’un rêve, que j’ai obtenue (4 000 €).

J’ai eu très peu de réponses des sociétés de production. Lorsque j’appelais, on me proposait souvent de faire un mail et on ajoutait « On vous rappellera peut-être. » Il faut s’accrocher à ce moment-là, c’est un travail de relance, de stratégie, de diplomatie. Une productrice semblait intéressée, mais elle a finalement disparu dans la nature sans un mot. J’ai eu enfin un vrai échange téléphonique avec ma future production, Pyramide – nous avions une connaissance en commun et je les sentais enthousiastes. Cette société de production a des contacts en région. Je les ai rencontrés et j’ai finalement signé un contrat avec eux.

Ça n’a pas été simple d’être tout d’un coup liée à une production. J’avais l’habitude de travailler « seule » et j’imaginais pouvoir partir filmer quand je voulais, le temps qu’il fallait, sans compter ni les jours, ni l’argent dépensé ou gagné. Je me sentais aussi pressée par le temps, mes deux ans de chômage étant la période que je m’étais donnée pour faire ce film. J’ai donc commencé à tourner avant les réponses des commissions que la production avait sollicitées.

Pyramide a heureusement un bon réseau régional. Nous avons présenté le dossier à la Région Limousin, dans une version proche de celui que j’avais envoyé au CNC et à la Scam. Le projet a beaucoup plu à la commission et on a obtenu 29 000 € d’aide au développement.

Le tournage s’est déroulé de l’été 2013 à l’automne 2014, sur des périodes d’une dizaine de jours à chaque fois. La production attendait de trouver une chaîne de télévision pour démarrer le montage, mais les semaines passaient sans nouvelles et je trépignais d’impatience. Je me suis donc lancée avec une amie monteuse, Anne Fortage, qui a accepté de travailler sur son temps libre pour commencer.

On a dérushé pendant l’hiver 2014-2015 mais les relations sont devenues compliquées avec la production qui ne comprenait ni mon rythme ni mon mode de fonctionnement. On leur envoyait régulièrement des séquences montées, mais il y a eu pas mal de mésentente et d’incompréhension sur la réalisation, la forme, mes références, ma façon de faire. Le soutien, je l’ai plutôt trouvé auprès de la monteuse et de cinéastes que j’admire et qui m’ont encouragée dans ma recherche de liberté de création.

On a monté le film sur un an, en fonction des disponibilités de la monteuse. Il était parfois difficile de se replonger dans le projet et il y a eu du découragement, souvent. Mais c’était aussi un luxe que de pouvoir laisser reposer le montage. J’ai tourné de nouvelles séquences – qui se sont révélées être les plus fortes, les plus essentielles au film, et cela grâce à Anne Paschetta, qui sentait qu’il manquait quelque chose, et aussi grâce à un cinéaste qui m’a secouée à un moment en me faisant comprendre que j’étais passée lors des premiers tournages à côté du cœur du film.

Pyramide a trouvé une chaîne de télévision locale en Limousin, Telim TV (qui a déposé son bilan depuis), qui lui a permis d’obtenir des financements pour la production. C’est la production également qui a suivi le mixage et l’étalonnage à Limoges et à Lyon.

Mon contrat initial prévoyait 4 000 € en droits d’auteur et 8 000 € en salaire, en tant que technicienne-réalisatrice, mais en 2016, j’ai dû signer un avenant pour pouvoir financer la post-production et mon salaire est passé à 6 500 €. L’achat de la caméra, des disques durs et des cartes d’enregistrement est resté à ma charge. Le film m’a permis ensuite d’être intermittente du spectacle.
Paméla a été terminé en février 2016, presque trois ans après son commencement. La première projection a été organisée à la Scam en mai 2016. Fin 2016, Il y a eu une avant-première à Limoges durant le Mois du Doc, puis le film a été sélectionné au Festival du film de famille de Saint-Ouen, où j’ai gagné le Prix du Jury, ainsi qu’aux Hivernales du Doc en Tarn-et-Garonne.

Je ne voulais pas que la vie du film s’arrête là et j’ai réussi à obtenir une édition DVD chez l’Harmattan. J’accompagne encore le film lors de projections associatives, dans des médiathèques ou des cinémas itinérants, car la rencontre avec le public est certainement la chose la plus importante pour moi.

Après la réalisation de Paméla, je me suis remise au travail en tant que chargée de production à Paris pour plusieurs sociétés de production, hélas bien éloignées du documentaire.

J’avais commencé à écrire un nouveau film alors que je tournais encore Paméla. Ce film se déroulera en partie dans ma région d’origine, l’Auvergne. Je me suis dit qu’il serait plus facile d’obtenir des aides en région en y vivant et j’avais de toute façon un vrai désir de revenir ici après le tournage. Je sentais aussi que ma situation professionnelle à Paris devenait compliquée : peu de piges, peu d’heures de travail et loyer élevé. J’ai donc déménagé au printemps 2017 et je continue à travailler à distance avec Paris tout en prospectant au niveau régional.

J’ai finalisé récemment l’écriture de ce nouveau film, L’histoire du Cochon à huit pattes et j’ai lancé des demandes d’aides à l’écriture auprès du CNC et de la Scam, en attendant le déblocage des aides régionales, un temps mises en suspens par la réforme des régions. Je prends mon temps, le coût de la vie en région me le permet – mais je ne le perds pas. J’ai tourné tout ce que je pouvais tourner ici, avec ma propre caméra. C’est Françoise Widhoff qui m’accompagne pour ce projet, avec les Films de l’Astrophore. On se comprend, elle encourage ma soif de liberté, mon fonctionnement peu orthodoxe. Ça prendra du temps pour faire ce film, sans doute plus que pour Paméla, mais il se fera plus sereinement, je n’en doute pas.