J’ai fait mes études de cinéma à la Fémis, au début des années 90. C’est en 1995 que j’ai rencontré la réalisatrice Sophie Bredier, avec laquelle nous avons écrit et coréalisé un documentaire intitulé « Nos traces silencieuses ». Le film part de l’histoire de Sophie, qui est d’origine coréenne et a été adoptée en France à l’âge de quatre ans. Il ne lui reste rien de son enfance à part des brûlures sur son corps. A partir de ces quelques cicatrices, qui gardent le secret de son passé et à travers son itinéraire, le film interroge d’autres personnes ayant des marques corporelles les ramenant à un passé enfoui ou oublié. Le film, produit par Agat Films, a obtenu l’aide au court métrage du CNC. Il a été bien accueilli en festivals et a été diffusé sur France 3 avant de sortir en salles. Nous avons ensuite coréalisé un autre film documentaire, « Séparés », qui prolonge la quête de Sophie sur son identité.
« La Robe du soir » est l’histoire d’une adolescente de 12 ans qui, fascinée par sa professeur, s’aperçoit que celle-ci lui préfère un garçon de sa classe. Elle, qui cherchait reconnaissance et amour, va vivre un drame qui dégénèrera. Le film s’appuie sur des souvenirs réels d’adolescente puis s’en éloigne pour rejoindre la fiction. Le scénario a été écrit en collaboration avec Sophie. Nous avons eu beaucoup de discussions en amont, avec de nombreux allers-retours sur l’écriture jusqu’à établir une première version du scénario. Nous nous sommes ensuite partagées les séquences de dialogue, chacune retravaillant les scènes de l’autre. J’ai fait lire le scénario à Patrick Sobelman (Agat Films), qui a été intéressé et nous avons déposé le dossier à l’Avance sur recettes, que nous avons obtenue au deuxième tour, en décembre 2005.
Le film devait se tourner au départ en Ile-de-France mais nous n’avons pas obtenu l’aide de la Région, ce qui a beaucoup compliqué l’économie du film. N’ayant pas le plan de financement définitif, le CNC ne pouvait calculer le montant final de l’Avance et les chaines de télévision voulaient également connaître le budget avant de s’engager. Le producteur ne souhaitait pas le faire avec moins d’un million d’euros. Comme les financements tardaient à se confirmer, nous risquions de perdre le bénéfice de l’Avance, le CNC m’ayant déjà accordé une dérogation. Il nous fallait démarrer le tournage au plus tard en juin 2008 et donc trouver un producteur qui accepterait de s’engager à partir d’un budget minimum. C’est le risque qu’a accepté de prendre Edouard Mauriat, de Mille et Une production, après avoir lu le scénario.
Nous avons cherché le soutien d’une autre collectivité territoriale et la Région Rhône-Alpes est entrée en coproduction en apportant 200 000€, ce qui a été déterminant pour le financement du film. Il nous fallait cependant tourner au moins 60% du film dans la région. Le département du Val de Marne a apporté 70 000€ et la chaîne Ciné Cinéma 80 000€. Le plan de financement étant bouclé, l’Avance sur recettes nous a accordé le maximum, soit 500 000€. Le budget final du film est de 850 000€.
La préparation du tournage a pu alors démarrer. L’adolescente, qui tient le rôle principal, est interprétée par Alba-Gaïa Bellugi (qui avait déjà joué dans « Je m’appelle Elisabeth » de Jean Pierre Arémis). Lio tient le rôle de la professeure. Les autres rôles sont tenus par les élèves du collège où nous avons tourné.
Nous avons visité une vingtaine d’établissements dans le Val de Marne, avant de fixer notre choix sur un collège à Thiais, qui avait l’avantage d’être à la fois situé dans une zone pavillonnaire et de recruter également dans les cités voisines, ce qui lui conférait une certaine mixité sociale. J’ai proposé à l’administration d’animer un atelier d’initiation au cinéma avec les élèves qui devaient jouer dans le film. Cet atelier s’est déroulé sur l’année scolaire 2007-2008, avec la collaboration d’une professeure de Français. Il leur a permis de se familiariser avec le projet (ils ont même fait un blog pour raconter cette expérience) et m’a donné le temps de faire leur connaissance. Les deux rôles principaux étant tenus par des élèves extérieurs, il a fallu les intégrer dans la classe. Il fallait aussi tenir compte des contraintes de la DDASS, qui nous demandait de tourner uniquement durant les vacances scolaires et sur des journées de six heures, cinq jours par semaine.
L’autre partie du tournage a eu lieu dans une résidence de la banlieue lyonnaise, et quelques séquences ont aussi été tournées à Bayonne, durant la Feria. L’ensemble du tournage, qui s’est fait en vidéo HD, s’est déroulé sur cinq semaines, un planning plutôt serré qui n’a pu être tenu que grâce à l’excellent travail de l’assistant réalisateur, à l’énergie d’une équipe soudée et à une météo favorable. Le montage a démarré en septembre et a duré onze semaines. Le film est encore en post-production et devrait sortir en salles fin 2009 ou début 2010.
(Témoignage publié dans l’édition 2009 du Guide des Aides)