J’ai commencé dans les métiers du spectacle en travaillant sur les feux d’artifice à l’âge de 12 ans, avec mon oncle, qui m’a initié au sein d’une structure familiale composée de 3 associés, devenue aujourd’hui le groupe F. Il m’a enseigné la théorie et la pratique, le montage en atelier, l’installation et, le moment qui est le plus passionnant pour moi, la table de tir. C’était magique. Pour chaque feu on partait tous les étés dans une ville différente, en Corse, dans les Alpes et même au Canada pour des concours internationaux. Vers 15-16 ans j’ai commencé à tirer en solo mes propres feux pour des fêtes, des mariages ou des petits événements. J’ai rencontré des équipes internationales de pyrotechnique, puis je me suis trouvé perdu face à l’industrialisation du métier. Avec l’évolution du matériel et des techniques, les familles du spectacle disparaissaient pour laisser place à l’abattage industriel, c’étaient des feux à plusieurs millions avec l’utilisation de tables électroniques et des semi-remorques.
En parallèle, j’ai fait des études de cinéma jusqu’à la maîtrise et commencé à travailler sur les plateaux. Au début je donnais des petits coups de main en régie et en déco mais j’ai eu du mal à m’y faire une place tant que je n’avais pas de spécialité. Ma formation d’artificier me conduisait vers les effets spéciaux. J’alternais des projets dans ces deux branches sur des films, des spectacles ou des événements. J’ai suivi une formation du CFPTS au métier d’accessoiriste et de sculpteur, qui m’a ouvert plus de possibilités pour travailler. Je me suis retrouvé sur des grosses productions à découper du polystyrène à la tronçonneuse, sculpter des masques en résine ou assister le chef décorateur. J’ai travaillé au Liban, au Palais du festival de Cannes, à Versailles, puis je suis rentré comme constructeur en atelier à Nice. C’était un petit atelier très sympa, la « Victorine » où l’on travaillait beaucoup sur la construction sur bois. Pour me perfectionner, j’ai cherché partout des formations en menuiserie mais il n’en existait pas de solides liées à la construction de décor. Je suis alors rentré à l’école des Compagnons pour 9 mois. La plupart d’entre eux étaient bien plus âgés que moi ou sortaient à 16 ans du cursus classique en CAP. Quand je suis sorti de l’école, j’ai pu me présenter comme constructeur ou menuisier dans les branches du spectacle.
Avec la maîtrise technique des outils, je peux désormais travailler dans la construction comme maître d’ouvrage ou constructeur sur des projets de longs métrages. La demande est importante, c’est comme pour le plombier et l’électricien. Dans le spectacle, il est indispensable de posséder ce savoir-faire lié à un carnet d’adresses conséquent. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’existe pas tant de gens spécialisés, car il n’est pas simple de se former à la fois sur le bois et dans le spectacle tout en tissant un réseau relationnel.
Comme constructeur, je m’intéresse aux nouveaux matériaux et aux nouvelles techniques utilisés dans la création. Je travaille sur les longs-métrages comme constructeur qualifié et comme assistant décorateur sur des spectacles ou des événements. Je traduis en construction le plan qui m’est donné par le chef décorateur. Dans l’équipe on travaille souvent en atelier, sans voir le tournage du film. On construit et on installe le décor sans autre lien avec l’équipe que le chef décorateur ou l’assistant. Le chef décorateur est quelqu’un qui maîtrise complètement toutes les étapes de la construction de décor. Il sait en général tout faire, étant passé par tous les stades de la décoration. Ses connaissances théoriques et pratiques lui permettent de chapeauter les différents corps de métier (menuiserie, soudure, peinture, etc.). Comme le régisseur général, il doit pouvoir diriger une équipe, connaître les règles de sécurité et avoir de bons contacts humains. Le premier assistant coordonne le travail de l’équipe. Il fait l’intermédiaire entre les équipes peinture, décoration, serrurerie, effets spéciaux et le chef déco. Le second assistant est chargé essentiellement de la responsabilité du planning.
Il n’existe pas de formation spécifique donnant directement accès au métier de chef décorateur. Certes la Fémis ou l’école des Beaux arts offrent une initiation au métier, au travers d’apprentissages successifs mais c’est l’expérience du terrain, la spécialisation dans certains domaines et l’acquisition de savoirs-faire, qui permettront au bout de plusieurs années de prétendre à diriger une équipe de décoration. Moi, j’ai plutôt suivi des formations en complément d’un apprentissage de terrain.
La partie physique du métier est potentiellement dangereuse : on est exposé à certains produits toxiques et le risque d’accident est aggravé par l’urgence et le stress. Les métiers de la décoration demandent beaucoup d’expérience et plus on travaille, plus on reçoit de propositions. Il faut essayer de choisir au mieux vers quelle filière on s’engage, sachant qu’il sera difficile d’en sortir ensuite. La menuiserie, par exemple, est un métier que l’on peut faire toute sa vie, ce qui peut sembler aberrant à une époque où l’on change sans cesse d’activité.
(Témoignage publié dans l’édition 2005 du Guide des Formations)