Johann L’Écolier, concepteur réalisateur multimédia

Johann L’Écolier, concepteur réalisateur multimédia

J’ai commencé à suivre des études d’arts appliqués dans un lycée de Grenoble en choisissant à partir de la seconde l’option du même nom. C’est une option assez lourde, qui exige une forte motivation puisqu’elle représente onze heures par semaine en seconde, et dépasse les trente heures en terminale. Sur trois ans, l’enseignement est très diversifié, on touche aussi bien à l’expression plastique qu’à l’architecture, à la mode, au design et au graphisme.

C’est ce dernier domaine qui m’a le plus intéressé. J’ai poursuivi mon cursus avec un BTS en communication visuelle à l’école supérieure Estienne à Paris. On y enseigne trois principaux domaines d’application : la publicité, l’édition et le graphisme. C’est l’une des rares écoles reconnues par le milieu professionnel dans sa spécialité, bien que l’enseignement général y soit trop scolaire à mon goût. La formation spécialisée met l’accent sur la communication d’entreprise : affiches, spots publicitaires ou radios, dépliants, logos, support presse, pour des grandes marques ou des établissements culturels.

Davantage attiré par les scénarios interactifs que par le message publicitaire, j’ai suivi en sortant de l’école Estienne une formation de concepteur multimédia à SupInfoCom, une école de la Chambre de commerce et d’industrie de Valenciennes. Les études s’orientent vers la conception de produits on-line (Internet) ou off-line (cédérom). Compte-tenu de l’évolution constante des supports, la technique y a la part belle, trop peut-être. Le but de l’école est de former des équipes où chaque individu apporte une compétence complémentaire, c’est pourquoi les projets de groupe occupent une place essentielle dans la pédagogie. Je me suis retrouvé parmi des élèves venant de tous horizons, dont beaucoup découvraient le monde de la communication et devaient en apprendre les bases.

Chaque année de scolarité se divise en deux parties inégales : un mois pour la conception d’un projet et six mois pour sa réalisation. L’équipe pédagogique n’étant présente à la première étape qu’en consulting, il est nécessaire d’avoir un minimum de connaissances et d’autonomie pour pouvoir faire sa place et réaliser un projet qui vous tient à cœur. Avec un autre élève, nous avons imaginé une sorte de café virtuel, où l’on “bavarde” avec des personnages habitant l’internet (http://projet01.free.fr).

Il n’a pas été facile de trouver du travail en sortant de Supinfocom, et l’école ne m’a pas vraiment aidé à en trouver. Le métier de concepteur réalisateur multimédia est encore mal connu, même du milieu professionnel qui appréhende plus facilement le versant technique du multimédia, celui des compétences logicielles. L’abondance des formations, de durées et de qualités très inégales, aboutit à la mise sur le marché d’un grand nombre de candidats. Les attentes des employeurs sont parfois exorbitantes : le candidat idéal serait pour eux un jeune de 25 ans, bac+4, quatre à cinq ans d’expérience dans un poste similaire, ayant une excellente maîtrise de toute la chaîne graphique, des logiciels et de l’anglais en prime, tout ça pour un salaire proche du SMIC !

J’ai fini par trouver, grâce à un copain de promotion de l’école Estienne, un poste de graphiste dans une société de services en ingénierie informatique (SSII). Voilà bientôt deux ans que je travaille dans cette société, et je ne peux pas dire que nous (moi et quelques autres graphistes) en fassions réellement partie. Les projets sur lesquels nous travaillons sont peu motivants et correspondent rarement à nos qualifications. Les évolutions de carrière sont réservées aux ingénieurs, seuls postes à responsabilités. Les salaires ne décollent pas. L’expérience que nous acquérons est peu valorisante sur le marché du travail : en deux ans, je n’ai pu ajouter qu’un seul projet à mon book, autant dire deux ans de quasi inactivité au regard de mon projet professionnel.

Ce constat me pousse à remettre à plat mes envies et mes motivations. J’envisage de créer une petite structure, regroupant des professionnels aux aspirations communes et libérée des pesanteurs hiérarchiques. Je rêve d’y concevoir de drôles d’objets multimédia, un peu comme à l’école…

http://yoth.prod.free.fr

(Témoignage publié dans l’édition 2003 du Guide des Formations)