Jean Pierre Vroelant, directeur de l'AFOMAV

Jean Pierre Vroelant, directeur de l’AFOMAV

J’ai toujours aimé le cinéma mais je n’avais pas pensé travailler un jour dans ce secteur. J’étais étudiant dans une école de commerce, à l’ESSEC, en 1972. J’ai complété l’ESSEC en intégrant une deuxième année en psycho à Censier, où je suis resté jusqu’à la maîtrise. Parallèlement à la fac, je préparais en cours du soir un CAP de menuiserie et, mon CAP en poche, j’ai créé une petite communauté en Ardèche, puis je suis parti « faire la route », comme on disait alors. Ces pérégrinations ont duré cinq ans et quand je suis rentré en France, j’ai pris un poste dans le marketing chez Nestlé, avant de fonder une société dans la communication, puis une entreprise de formation. J’ai intégré l’AFOMAV il y a un peu plus de deux ans.

L’AFOMAV est une structure pédagogique à statut associatif, qui travaille avec l’Education nationale (c’est un centre national d’examens) et la Région Ile-de-France, qui finance 50% des investissements, mais c’est surtout une émanation de la Fédération Nationale des Cinémas Français, qui est gérée par des exploitants et qui est donc en prise directe avec les besoins de la profession.

L’enseignement repose sur l’apprentissage, c’est-à-dire l’alternance entre les cours et la formation en entreprise. Nous préparons au CAP de Projectionniste et aux métiers de la photographie. Nous nous efforçons de placer les apprentis en conditions réelles, en les immergeant dans le monde du travail. Le règlement en vigueur est d’ailleurs celui du code du travail. L’apprenti a un maître d’apprentissage dans l’entreprise et un tuteur individuel à l’AFOMAV. Ce dernier est à son écoute et veille à l’acquisition des compétences au sein de l’entreprise.

La plupart de nos élèves ont entre 16 et 24 ans et beaucoup sortent de 3ème mais nous avons aussi des étudiants qui veulent trouver un travail en soirée et même des salariés en reconversion qui nous arrivent par l’ANPE, ce qui n’est pas sans poser de problèmes de financements puisqu’ils ne répondent pas toujours aux critères de l’apprentissage.

L’apprenti prépare un CAP d’Opérateur projectionniste de cinéma, un diplôme qui a été rénové par l’Éducation Nationale pour anticiper l’évolution vers la projection numérique. Cette anticipation est une bonne chose mais les nouveaux critères d’examen ne correspondent pas complètement pour l’instant à la pratique des exploitants, les salles étant encore équipées dans leur très grande majorité en 35 mm.

Le titulaire du CAP peut ensuite compléter sa formation par des habilitations éléctrique et, en raison des normes drastiques de sécurité dans les salles, par un diplôme de sécurité Incendie et aide à personne (SSIAP), qui comporte quinze jours de formation avec un examen d’Etat devant un colonel des pompiers.

Mais le projectionniste d’aujourd’hui est surtout un technicien, capable d’assurer une image de qualité mais aussi de déterminer à l’oreille si le son est acceptable. L’opérateur de Cinéma Paradiso, seul dans sa cabine, c’est fini. La cabine n’est plus cet univers un peu magique, obscur et confiné. Le projectionniste ne doit plus seulement maîtriser un projecteur, mais aussi un environnement et savoir dialoguer avec les responsables de la maintenance, de la régie et de l’accueil. Il doit être très réactif et savoir gérer son temps, en se servant des moments creux pour faire autre chose, comme régler la climatisation par exemple. Dans les multiplexes, les opérateurs ont un bureau avec un ordinateur à côté du projecteur. Il faut maîtriser des logiciels de bureautique (Excel , Word…) pour gérer des tableaux de bord et alimenter, par exemple, des panneaux d’information dans le hall, voire un site Internet qui est une seconde façade et un atout indéniable pour la salle. Le projectionniste est donc aussi un interlocuteur indispensable du directeur de l’établissement.

Avec la diffusion numérique, son travail consistera de plus en plus à gérer un serveur, importer des programmes et les distribuer dans les différentes salles. Lorsque les salles seront équipées, la projection numérique apportera sur le plan de la définition de l’image une indéniable amélioration, sans parler de la détérioration des copies qui ne sera plus qu’un mauvais souvenir. Il faudra néanmoins savoir entrer dans les menus pour régler les couleurs. Le matériel sera aussi beaucoup plus léger et la pénibilité du travail en sera atténuée. On utilisera un disque dur et une souris là où il faut encore aujourd’hui monter 3 ou 4 kilomètres de pellicule réparties en 6 à 7 bobines sur une seule, pour un poids d’environ 30 kilos, ce qui n’est pas extraordinaire pour les reins. Tout cela va disparaître et le métier va s’ouvrir aux petits gabarits et aux femmes.

C’est un métier plein d’avenir et d’évolutions mais il faut aussi en mesurer les inconvénients. La première des qualités d’un projectionniste est la ponctualité : la séance commence toujours à l’heure pile ! Il faut aussi « en vouloir » car le rythme du métier est particulier : il s’exerce souvent à temps partiel et on peut être appelés aussi bien le matin, que l’après-midi ou le soir, y compris les week-ends et jours fériés ; quand les copains sont à la fête, vous, vous êtes au « turbin »…

(Témoignage publié dans l’édition 2010 du Guide des Formations)