Jacques Martineau

Scénariste et enseignant au sein du Master scénario et écritures audiovisuelles, à Paris X, Université de Nanterre-la Défense

Je suis venu à l’écriture de scénarios sur le tard, après l’École Normale Supérieure et un doctorat de Lettres, sans avoir fait d’école de cinéma. C’est une rencontre avec un producteur qui a provoqué l’écriture de Jeanne et le garçon formidable ; j’ai par la suite coréalisé le film avec Olivier Ducastel. Il a eu un beau succès critique et a été sélectionné dans divers festivals internationaux. Dès lors, je n’ai plus cessé d’écrire, pour le cinéma et la télévision, tout en continuant d’enseigner.

C’est donc une succession de hasards et de rencontres qui m’ont amené à l’écriture de scénario, parcours qui ne correspond pas à l’actuelle professionnalisation du métier de scénariste, pour lequel il existe aujourd’hui plusieurs formations spécialisées de qualité, dont le département Scénario de la Fémis (4 ans), le CEEA (2 ans) et le Master scénario et écritures audiovisuelles de Paris X (1 an).

Le Master Pro de Paris X est ouvert aux titulaires d’un Master 1, pas nécessairement dans le domaine du cinéma. Le recrutement se fait sur dossier, entretien et épreuves (l’écriture en 5 heures d’un synopsis sur un thème imposé). Nous retenons 12 étudiant·es (pour plus d’une centaine de candidat·es), ce qui permet à la fois un suivi de chacun·e et l’émergence d’un esprit de groupe, à l’image des collectifs de scénaristes que l’on voit apparaître depuis quelques années. Car il est loin le temps où l’auteur·rice travaillait en solitaire. Pour la télévision, surtout, l’écriture s’organise de plus en plus en pool. Le scénario s’écrit et se réécrit à plusieurs, parfois sous l’égide d’un·e directeur·rice d’écriture, avant d’être validé par les décideurs.

Un bon scénariste se doit avant tout d’avoir une « écriture visuelle ». Il est tout à fait possible d’apprendre à structurer une histoire, mais sans l’intuition artistique d’une « écriture en images », le travail du scénariste est voué à l’échec. Le cinéma n’est pas du théâtre. Le scénario est un outil et il faut avoir, dès le départ, une approche cinématographique, c’est-à-dire une connaissance des procédés narratifs propres au cinéma.

L’autre qualité du scénariste est la persévérance. Il doit savoir qu’il va connaître de nombreuses désillusions. Beaucoup de juges, ou prétendu·es tel·les, vous diront que ce que vous faites est nul et jetteront votre manuscrit sans ménagement. Il faut donc apprendre à s’endurcir, et d’autant plus à la télé où les intermédiaires sont nombreux. Il suffit parfois d’un changement de grille ou de directeur·rice de programme pour que le projet sur lequel vous travaillez depuis deux ans, et qui avait été validé jusque là, tombe à l’eau. Dès lors, il faut se remettre au travail… Les scénaristes doivent donc souvent travailler sur plusieurs projets en même temps en sachant que certains d’entre eux seulement aboutiront.

Le travail en atelier et les retours critiques qu’il implique apprennent à l’étudiant·e à ne pas se formaliser, à argumenter et à défendre son point de vue. Ils l’aident à « survivre au regard de l’autre » et à se faire confiance, toutes compétences indispensables lorsqu’on présente son travail à un·e producteur·rice. Il faut aussi apprendre à faire des concessions : le secteur de l’audiovisuel est aussi une industrie et il faut avoir conscience qu’on nous achète un produit. La négociation et l’ouverture d’esprit sont donc des qualités indispensables au/à la scénariste débutant·e.

Le métier de scénariste, pour des raisons historiques, est encore insuffisamment reconnu en France, à la différence des Etats-Unis notamment, mais il ne faut pas se décourager pour autant : les producteur·rices sont toujours à la recherche de nouveaux talents. Ils ont besoin de professionnel·les qui savent structurer une histoire, écrire des dialogues, créer une scène. Les débouchés existent au cinéma et à la télévision, mais aussi dans l’animation, la bande dessinée, le multimédia ou même la publicité. Il est important pour cette raison de se créer un carnet d’adresses.

(Témoignage publié dans le guide des formations 2014)