J’ai fait un DEUG de maths-physique et une licence de physique à Grenoble puis, en deux ans, une MST à l’université de Bretagne à Brest, tout en suivant des cours d’histoire de la musique, de solfège et d’électro-acoustique au conservatoire.
A l’université de Bretagne, nous étions 24. La plupart d’entre nous avaient des connaissances musicales, mais certains avaient aussi une formation à l’imagerie 3D, à l’esthétique ou au multimédia. Même si ce n’est pas la Fémis, la MST de Brest a une bonne réputation auprès des professionnels et si l’on est sans doute moins encadré à l’université que dans une école, on y apprend peut-être davantage à se débrouiller par soi-même, en passant au besoin des nuits en studio derrière une console.
J’ai fait un stage d’observation chez un prestataire (SPS synchro 7) qui fait du mixage et du doublage de films américains, et qui m’a embauché comme recorder pendant deux mois durant l’été dans son auditorium à Joinville. Je faisais la configuration de l’audi avant l’étape du mix, une configuration spécifique à chaque mixage, qui peut aller de 20 à 150 pistes selon la taille des projets, et qui prend une demi à une journée. Le recorder configure les machines, les synchronise, charge les projets et vérifie techniquement l’auditorium, mais il n’a pas de responsabilité sur le rendu son. Il travaille en collaboration avec la société Dolby qui a la responsabilité du réglage de l’écoute.
Après la configuration, je restais dans l’auditorium pour observer le travail du mixeur. J’ai ainsi rencontré des mixeurs chevronnés, comme Dominique Hennequin ou Dalmaso, qui m’a proposé de travailler comme technicien à Archipel, dans un studio qu’il avait monté avec d’autres ingénieurs du son.
J’ai fait pendant deux ans du repiquage, installé des salles de montage et continué à configurer des audi. Puis Archipel a monté une sonothèque, dont j’ai pris la responsabilité technique à la faveur d’un départ. Comme je faisais beaucoup d’heures en étant mal payé, j’ai finalement décidé d’arrêter.
Je voulais me lancer dans le montage son, qui est une approche du son très différente de celle du mixage. Le monteur son créé l’univers sonore du film, univers qui sera mis en forme au moment du mix. Le monteur son reste indispensable au mixage, car il y toujours des choses que l’on n’a pas entendu au montage et qu’il faut refaire.
Pendant trois ans, j’ai travaillé comme monteur son ou comme mixeur sur une trentaine de courts métrages, en y passant soirées et week end, tout en continuant à travailler comme recorder en intermittence. Petit à petit, j’ai commencé à sélectionner les projets, je me suis formé avec des compositeurs à l’enregistrement de musiques, puis j’ai travaillé comme assistant mixeur, et enfin on m’a confié la responsabilité d’un mixage.
Le mixeur établit des relations étroites avec l’auditorium dans lequel il travaille. Il a son mot à dire sur le choix de celui-ci et inversement, l’auditorium peut proposer un mixeur à un producteur.
Un mixeur doit avoir une bonne oreille et une mémoire auditive, il doit savoir reconnaître les qualités et les défauts d’un son en fonction de l’acoustique du lieu et de la source et être capable de s’immerger dans l’univers du réalisateur pour en restituer au public la dimension sonore. Enfin, c’est un métier qui est aussi tributaire des réalités économiques et les exigences de la création ne sont pas toujours compatibles avec les impératifs de rentabilité.
Une des principales difficultés du métier est d’établir une relation de confiance avec le producteur. Compte-tenu du coût de location d’un auditorium, il est essentiel de respecter les délais. Il faut aussi de solides connaissances techniques car le mixeur a la responsabilité du rendu final du film. C’est sans doute pourquoi il ne faut pas espérer pouvoir mixer un long métrage avant d’avoir une trentaine d’années et la moyenne d’âge des grands mixeurs de longs métrages, ceux qui mixent cinq films par an, est plutôt la cinquantaine.
En sortant de la MST, j’avais cru pouvoir travailler rapidement comme mixeur mais j’ai dû déchanter. La répartition du travail se fait de façon pyramidale et est concentrée dans les mains de quelques personnes ayant la confiance des producteurs. Comme pour tous les métiers du cinéma, on peut acquérir un bagage technique à l’école, mais l’essentiel de l’apprentissage se fait sur le tas, en se confrontant à des réalisateurs, à des projets et des outils différents. Les technologies évoluant très vite, il faut se mettre à jour en permanence, faire des stages et apprendre auprès de mixeurs confirmés.
(Témoignage publié dans l’édition 2005 du Guide des Formations)