Imaginaires en exil - Cinq cinéastes d'Afrique se racontent - Daniela Ricci (52', 2013)

Imaginaires en exil – Cinq cinéastes d’Afrique se racontent – Daniela Ricci (52′, 2013)

Imaginaires en exil. Cinq cinéastes d’Afrique se racontent est mon premier documentaire. Je l’ai réalisé sans avoir de formation en cinéma, mais je connaissais assez bien les réalisateurs en question et leurs films. Je suis italienne et je suis venue en France pour faire ma thèse, qui porte sur les cinématographies de la diaspora africaine. Ces cinéastes en exil sont des conteurs hors pair, ils ont des parcours singuliers, mais toujours très forts, nourris du poids de l’histoire. Je me suis familiarisée avec cette cinématographie en organisant depuis 2006 un festival sur le cinéma africain à Savona, près de Gènes et leur culture plurielle m’intéresse d’autant plus qu’elle fait écho à la mienne, moi qui me sens parfois plus proche de gens lointains que des voisins de ma ville d’origine.

Newton Aduaka, John Akomfrah, Haile Gerima, Dani Kouyaté, Jean Odoutan, certains des cinéastes que j’ai choisi de filmer, sont méconnus en France, ce qui n’est pas le cas dans le monde anglo-saxon. Leurs parcours artistiques et personnels les ont menés à Paris, Washington, Londres, ou Uppsala. L’un a été proche du Black Panther Party, l’autre a connu les émeutes des années quatre-vingt en Grande-Bretagne. Comme les personnages de leurs films, ils sont l’expression d’identités complexes.

J’avais besoin d’interviewer ces cinéastes pour ma thèse et je me suis posée à cette occasion la question de les filmer pour en faire la base d’un documentaire. Un ami chef opérateur, Rémi Mazet, a accepté de faire l’image. Les entretiens se sont déroulés sur six mois, à Paris et en banlieue, mais aussi en Italie, à Washington, au Burkina et à Londres.

J’ai également contacté l’association Vidéadoc pour avoir des conseils sur la réécriture du dossier, qui était au départ plus proche d’un projet universitaire que d’une écriture cinématographique. J’ai eu deux entretiens, avec un important travail de réécriture entre les deux, avec la conseillère, Anne Paschetta, qui intervient comme co-auteure ou script doctor sur des projets de films documentaires et qui m’a beaucoup aidée à construire mon point de vue de réalisatrice et à trouver des pistes de mise en scène.

Je n’ai par contre obtenu aucune aide à l’écriture et j’ai préféré renoncer à en chercher d’autres pour me consacrer entièrement au montage du film. La Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord a mis à disposition une salle de montage et j’ai monté le film avec Nadia Aksouh, une amie qui est monteuse à la télévision. Le montage, qui a duré trois semaines, s’est étalé sur un an, en fonction de nos disponibilités. Nous avons fait une version française, mais aussi anglaise et italienne.

J’ai également cherché un producteur et j’en ai rencontré deux, l’un surtout avec qui je m’entendais bien, mais il était un peu tard, car la première version du montage était presque terminée et j’ai finalement décidé de l’autoproduire. J’ai tout de même trouvé un distributeur installé en France, Patou Films international, qui distribue le film depuis janvier 2013. Plusieurs festivals internationaux dédiés à l’Afrique l’ont sélectionné: le New York African Film Festival, Cinemaafrica à Tokyo, le Festival du cinéma africain, d’Asie et d’Amérique Latine de Milan, le Luxor African Film Festival en Égypte ou encore le festival Quintessence de Ouidah, au Bénin. Du côté des chaines, le film a été acheté par Canal Horizon, une chaîne du groupe Canal Plus qui émet en Afrique. J’ai montré le film dans des universités italiennes et américaines et je suis en négociation pour l’édition du DVD, que je voudrais multilingue.

Je sors de cette expérience assez partagée: je suis très heureuse d’avoir mené ce projet à son terme et j’ai beaucoup appris, peut-être plus que si je m’étais offert une formation dans une école de cinéma, mais je ne la conseillerais à personne et je ne souhaite pas recommencer, dans les mêmes conditions, car ces deux années ont été épuisantes et m’ont beaucoup coûté, en argent, mais surtout en temps et en énergie. L’autoproduction pour un projet d’ampleur pose aussi des problèmes avec les techniciens, même si j’ai pu rétribuer un peu la monteuse et s’ils sont associés à d’éventuelles recettes. J’aimerai après ma thèse, que je soutiendrai à la fin de l’année, faire un autre film documentaire, mais cette fois-ci dans un contexte plus professionnel, avec des collaborateurs qui m’aident à faire les choix, des plannings et des relations contractuelles qui permettent au travail de chacun d’être reconnu à sa juste place.

Daniela Ricci
(trailer du film sur le site http://www.melisandra.org)

(Témoignage publié dans l’édition 2013/2014 du Guide des Aides)