François Groult, mixeur son

François Groult, mixeur son

Un ingénieur du son peut travailler sur le tournage d’un film, à la prise de son, ou en post-production, sur le mixage. C’est un métier très éloigné de la représentation purement technique que s’en fait généralement le public. Beaucoup d’ingénieurs du son sont aussi musiciens ou possèdent tout du moins une grande sensibilité à la musique, à son écoute et à sa restitution. Comme au piano, on commence par faire des gammes, on pratique beaucoup, avant de pouvoir commencer à interpréter. Les écoles délivrent des connaissances théoriques pointues, mais il faut des années d’expérience pour vraiment maîtriser l’outil. Les métiers du son peuvent être considérés comme des métiers artistiques dans un environnement défini par des contraintes techniques.

Le mixeur met en forme une multiplicité de sources différentes et interprète la matière sonore, ce qui exige une sensibilité créatrice mais aussi une bonne dose d’humilité. L’écoute commence par celle du metteur en scène : comprendre son film, décoder ce qu’il attend de vous, ce qui n’est pas toujours facile car un réalisateur ou un producteur ont parfois du mal à parler et à communiquer sur le son. Comme c’est la dernière étape avant les travaux de laboratoire, le mixage est aussi générateur de stress pour le metteur en scène, qui sait qu’il ne pourra revenir en arrière ensuite, il faut donc aussi une bonne dose de psychologie pour le gérer.

Ce qui est passionnant dans ce métier, c’est la diversité des expériences, la singularité des approches, chaque équipe est différente et chaque film est un recommencement. Je suis sorti en 1979 de l’école de Vaugirard, qui est devenue aujourd’hui l’école Louis Lumière. C’est une très bonne formation, qui associe un bagage théorique pointu à la connaissance des outils. C’est aussi une école de modestie où l’on ne nous dit pas qu’on sera chef de poste le diplôme en poche.

Je suis ensuite entré dans un studio son comme stagiaire, et j’y suis resté cinq ans comme ingénieur du son. Je préparais des pubs pour les radios périphériques, des bandes son pour des diaporamas ou des spectacles en plein air, mais aussi des enregistrements et des mixages de musique avec un musicien qui faisait beaucoup de commande. J’ai aussi eu la chance de travailler à la création d’un auditorium cinéma en Dolby stéréo, en effectuant beaucoup de cablâges et d’installations de machines. J’ai participé ensuite pendant trois ans au tournage de nombreux films industriels et reportages à travers le monde. J’ai acheté mon matériel de prise de son, des micros et un magnétophone et j’ai été sollicité pour mixer certains d’entre eux.

Puis j’ai mis tout doucement un pied dans le long-métrage en effectuant dans différents auditoriums des enregistrements de bruitages et de post-synchro. Un jour, un mixeur de renom, Dominique Hennequin, pour qui j’avais fait pas mal d’enregistrements, m’a proposé d’être son assistant sur le mixage d’un long métrage : Jean de Florette de Claude Berri. C’est avec lui et un autre mixeur, Gérard Lamps, que j’ai véritablement appris le métier. Certaines équipes m’ont ensuite proposé de mixer seul leurs films. J’ai travaillé depuis avec des cinéastes comme Téchiné, Pialat, Deville, Kusturica, Besson, Claire Devers ou Agneska Holland.

Avant l’informatique, le son, c’était dix à douze bandes en 35 mm préparées par l’assistant image. Après, il y a eu une période de transition où le mixeur était roi, avec un montage son en mono et un outil de diffusion qui a intégré progressivement la stéréo. Les nouvelles technologies ont depuis dix ou quinze ans induit une plus grande spécialisation. De nouveaux postes se sont créés, tels que monteur-son ou sound designer. Le montage du son s’effectue après celui de l’image. Les consoles informatiques permettent d’enlever ou de retravailler les sons avec une plus grande qualité, précision et inventivité.

Cette puissance nouvelle a augmenté les exigences, la conception de la bande son est beaucoup plus élaborée et le temps consacré au mixage s’en est allongé. Il faut cependant veiller à ce que les possibilités techniques soient au service de cette richesse et ne servent pas à fabriquer un son standardisé, lisse, sans souffle ni âme. Le mixeur doit pouvoir s’impliquer totalement dans le projet et ne pas être considéré comme un simple prestataire. Je déteste découvrir un film en auditorium, ce qui est heureusement rarement le cas. De plus en plus, des réunions sont organisés dès la conception du film avec les chefs de plateau, de montage image, de montage son et de mixage, et cette implication en amont est d’autant plus essentielle que la bande son du film est particulièrement riche et signifiante.

J’aime travailler à deux : deux paires d’oreilles et beaucoup de discussions sur les choix de mixage. La gestion technique d’un auditorium exige beaucoup d’organisation et de préparation. Il y a au moins six à sept personnes dans l’auditorium et chaque sensibilité contribue au résultat final. Donner le souffle vital à l’œuvre, créer une bande son qui colle à la peau du film, j’ai connu des moments de pur bonheur.

(Témoignage publié dans l’édition 2003 du Guide des Formations)