Donoma est une variation sur l’amour et les différentes formes qu’il peut prendre : un lycéen tombe amoureux de sa prof d’Espagnol, une jeune photographe entame une relation avec un inconnu choisi au hasard dans le métro et une adolescente reçoit de mystérieux signes qui l’amènent à se questionner sur une présence divine.
J’ai décidé de me lancer dans la réalisation après avoir lu, alors que j’étais étudiant en philosophie à la Sorbonne, un livre de Spike Lee racontant le difficile processus de création de son biopic sur Malcolm X (« By any means necessary : the trials and tribulations of the making of Malcom X »). Mon désir de cinéma était certes déjà là, mais je n’en avais pas encore conscience. J’étais cinéphile et j’écrivais des nouvelles, qui me sont apparues dès lors comme autant d’ébauches de scénarios. L’idée que mes mots deviendraient des images les rendait beaucoup plus fluides. J’ai commencé à lire des ouvrages sur l’écriture de scénario et à suivre des cours en auditeur libre au département Cinéma de Paris III, tout en fréquentant les forums professionnels.
J’ai crée une structure de production associative (Diaph1Kat) et commencé à mener des projets artistiques, des clips musicaux et des courts métrages institutionnels, en m’efforçant de garder un équilibre entre ces trois pôles. Ces activités permettaient d’acheter du matériel pour l’association mais n’étaient pas suffisantes pour vivre, aussi ai-je dû prendre un poste d’auxiliaire d’éducation avant de pouvoir toucher le RSA.
Fin 2008, je suis parti à New-York où j’ai réalisé un court-métrage intitulé « White Girl in her Panty » avant de me lancer dans l’aventure du long métrage. J’ai écrit la trame de « Donoma » en rentrant à Paris. Comme je ne voulais pas m’épuiser à rechercher un producteur et des subventions, j’ai pensé le film avec les moyens dont je disposais, l’énergie étant dans cette aventure mon capital le plus précieux, et pour tout dire à peu près unique.
Le tournage a commencé au printemps 2009 et s’est vraiment fait avec le strict minimum : j’étais le seul technicien, je faisais l’image et le son grâce à des micros-cravate et un retour son au casque. Nous tournions en lumière et décors naturels. J’avais mon matériel et, pour tout le reste, nous disposions d’un budget de 150€. Ces conditions limites n’étaient pas frustrantes puisqu’elles correspondaient à mes choix artistiques, mais elles imposaient une discipline de travail et une préparation extrêmement rigoureuses. J’ai formé trois « couples » de comédiens et j’ai demandé à chacun de me consacrer deux semaines, une pour la préparation et les répétitions et une pour le tournage proprement dit. J’ai tourné les scènes complémentaires durant l’été. Je me suis ensuite attelé au montage, toujours seul, et une première version du film était présentée en novembre 2009 à l’Ecran de Saint-Denis.
Nous formions avec les comédiens une équipe très soudée et nous avons communiqué sur le film dès le début du projet : page facebook, poissons d’avril avec notre adresse internet collée dans le dos des gens, petites vidéos postées sur le Web…, un buzz destiné à embarquer les gens dans un work in progress dont ils pourraient suivre chaque étape. Les premières projections m’ont servi à recueillir des avis extérieurs et à retravailler le montage. L’équipe de l’Acid (Agence du Cinéma indépendant pour sa Diffusion, voir p. XXX), sans laquelle le film aurait probablement sombré dans l’oubli, s’est emballé pour lui et l’a montré à Cannes, ce qui a déclenché un effet boule de neige : des festivals l’ont montré à l’occasion de cartes blanches à l’Acid, des journalistes ont commencé à en parler et les distributeurs à s’y intéresser. C’est ainsi que j’ai rencontré Laurence Lascary, productrice de DACP (De l’Autre Coté du Périph), qui a souhaité se joindre à l’aventure, et avec laquelle nous avons fait une demande d’aide à la post-production auprès du Conseil Régional d’Ile de France en juillet 2010, dont le montant, 73 000€, nous permettra de faire des copies pour les salles.
Je voudrais que l’énergie qui a permis de faire le film se retrouve dans sa circulation, que l’équipe de comédiens puisse l’accompagner et que les projections soient l’occasion de rencontres festives et de débats sur cette expérience, afin que celle-ci soit un exemple pour d’autres : des milliers de jeunes sont capables de porter de tels projets, il leur manque juste le grain de folie qui leur permettra de prendre confiance en leurs capacités et en leur créativité. Ces choses là ne s’apprennent pas dans les livres mais se nourrissent d’exemples. Il s’agit de montrer ce que l’on peut faire sans ressources mais non sans ambition. « Donoma » s’est fait sur ce postulat et j’ai bien l’intention de continuer sur ma lancée.
(Témoignage publié dans le guide des aides 2011)