La culture iconographique d’un opérateur se nourrit du cinéma et de la télévision, mais aussi de tous les types d’images : théâtre, photographie, peinture, sculpture, architecture… Un chef opérateur n’invente pas les images, il ne fait que les recomposer à partir des références culturelles dont il dispose. Il est essentiel de savoir s’adapter aux univers que nous proposent les réalisateurs et de savoir saisir leurs mots pour les retranscrire en images. Cette capacité d’adaptation doit s’étendre aux supports et aux techniques en constante évolution.
On peut acquérir les bases techniques dans une école, mais seule la pratique et le partage d’expériences avec une équipe sont susceptibles de nous faire évoluer vers le métier de chef opérateur. En France, le parcours classique passe par l’assistanat : 2ème puis 1er assistant, cadreur et enfin chef opérateur. Il y a bien sûr des contre-exemples : certains ont exercé le métier de directeur photo en sortant de leur formation, mais cela reste exceptionnel.
Personnellement, je me suis formé sur le tas. Je suis resté assistant pendant 12 ans, en travaillant en France, mais aussi en Afrique, aux Etats-Unis, en Uruguay, en Italie, en Grande-Bretagne… Cela m’a permis de rencontrer toutes sortes de cinéastes. Certains reconnus, comme Téchiné, et d’autres moins… Puis je suis « passé » cadreur le temps d’une douzaine de fictions télé et enfin chef opérateur sur des moyens-métrages de fiction.
On ne mesure pas toujours en sortant d’une école l’importance des rencontres professionnelles, qui peuvent à elles seules déterminer plusieurs années de travail. La principale difficulté est d’intégrer une équipe ou un circuit au sein desquels on va pouvoir démarrer puis évoluer, créer de nouveaux liens et établir sa réputation professionnelle. Même les techniciens confirmés travaillent sur des courts-métrages ou des pilotes, simplement pour rencontrer des jeunes réalisateurs ou une nouvelle société de production. Il faut donc être disponible à tout moment, faire sentir aux personnes avec lesquelles on a un contact qu’elles peuvent vous appeler pour n’importe quel projet. Il faut aussi veiller à être très ouvert et à toucher aux différents genres : fiction, documentaire, court-métrage, film industriel, publicité, série et plateau télévisés, news… ne serait-ce que pour savoir dans lequel on veut se spécialiser, et essayer d’enchaîner les tournages pour se roder. Il sera toujours temps ensuite, lorsque l’on sera assez avancé, de sélectionner les projets en fonction de critères aussi divers que la qualité du scénario, les lieux et la durée du tournage ou le salaire.
Le temps de postproduction des films s’est considérablement réduit, en particulier grâce au montage virtuel. Les rushes sont de moins en moins visionnés sur pellicule positive mais plutôt sur cassettes Betacam. L’opérateur, dans ce cas, ne découvrira ses images sur pellicule positive qu’après le montage, en projection. Il est donc essentiel, pour être sûr à chaque étape de l’image que l’on a faite, d’avoir une excellente formation en « traditionnel », c’est-à-dire dans la chaîne de fabrication argentique.
Le métier d’opérateur change. La caméra s’est allégée depuis longtemps déjà, les pellicules sont de plus en plus sensibles, nécessitant moins de lumière. Celle-ci, mais aussi la texture, l’ombre, la couleur, peuvent désormais êtres retravaillées en postproduction. Cette simplification permet à l’opérateur de se concentrer sur la dimension artistique de son travail. Le chef opérateur devient l’interlocuteur non seulement du réalisateur mais aussi des techniciens hyper spécialisés chargés des effets spéciaux et des images de synthèse. De nouveaux métiers apparaissent également dans ce domaine.
Ces évolutions technologiques vont encore s’accélérer : à moyen terme, les images seront entièrement numérisées pour profiter des outils d’étalonnage numérique et l’on procédera au retour sur pellicule seulement pour le tirage des copies ; à plus long terme, lorsque les salles seront toutes rééquipées, les écrans tels que nous les connaissons disparaîtront au profit de la projection numérique. Mais le tournage en numérique ne permet pas encore, dans un cadre économique standard, d’atteindre la qualité du film ; la pellicule a encore de beaux jours devant elle.
(Témoignage publié dans l’édition 2003 du Guide des Formations)