Délégué général du réseau RECA (réseau des écoles françaises de cinéma d’animation)
En 2008, le CNC et le SPFA (Syndicat des Producteur·rices de Films d’Animation) m’ont commandé une étude sur « La formation et l’emploi dans le secteur de l’animation » qui a été financée par la Commission Paritaire Nationale Emploi Formation (CPNEF). J’en tirais un certain nombre de conclusions, parmi lesquelles la surabondance de l’offre et la très faible lisibilité de celle-ci pour des jeunes ou des familles peu au fait de la façon dont les choses se passent dans l’animation. Je recommandais parmi d’autres propositions la création d’un réseau des écoles d’animation, lequel a vu le jour fin 2011, après une assez longue période de gestation et de nombreuses réunions, toujours sous les auspices du CNC.
Le Réseau des Écoles Françaises de Cinéma d’Animation (RECA) a démarré avec 15 écoles et en rassemble aujourd’hui 22, et peut-être un peu plus prochainement. Le premier critère d’adhésion au réseau est un engagement de transparence dans la communication. Les écoles qui souhaitaient devenir membres s’engagent à informer de façon complète et sincère sur leur pédagogie, sur les moyens tant humains que matériels qu’elles mettent en œuvre et sur l’ensemble des autres conditions, y compris financières, qui attendent les futurs étudiant·es. C’est un principe élémentaire mais il n’est pas facile à mettre en œuvre car la formation est devenue très clairement, et de plus en plus, un marché, ce qui veut dire que beaucoup de formations sont dans une situation de concurrence et qu’il se créé des marques, au sens commercial du terme, avec l’ambition première de gagner de l’argent, donc d’avoir le plus grand nombre possible d’étudiant·es. Certaines écoles, les meilleures, résistent à cette tentation, mais d’autres non.
Il y a trois types de statuts pour les formations à l’animation : celles qui relèvent du secteur public, l’Éducation nationale voire la Culture, celles qui dépendent des chambres de commerce, c’est-à-dire les écoles consulaires, et celles qui appartiennent à l’initiative privée, qui sont les plus nombreuses, dans la mesure où l’Éducation nationale ne s’est jamais vraiment intéressée à l’animation. Ces statuts ont peu d’importance en termes de qualité : il y a de bonnes et de mauvaises formations aussi bien dans le public que dans le privé. J’ai le sentiment que la qualité des formations tient d’abord aux personnes, à la qualité des enseignant·es et de l’encadrement pédagogique.
Outre l’exigence de transparence, nous avons un deuxième critère : celui des objectifs communs. A quoi servirait un réseau s’il ne poursuivait pas les mêmes buts ? En deux ans d’activité, notre champ s’est élargi et d’autres objets surgissent, de plus en plus nombreux. L’un d’eux est de fluidifier le rapport avec le secteur professionnel. J’ai mentionné le SPFA, qui rassemble la quasi totalité des employeur·es du secteur et qui est de ce fait un interlocuteur incontournable, mais il y a aussi la FICAM, le syndicat des prestataires techniques de l’audiovisuel et du cinéma. Certains employeur·es ont la double appartenance, parmi lesquels le plus gros employeur du secteur, Illumination MacGuff, le studio qui a fabriqué les trois derniers longs métrages d’animation d’Universal. Il emploie plus de 500 personnes en France, ce qui en fait de très loin le plus gros employeur du secteur.
Le rapport avec le milieu professionnel, c’est le travail avec les employeur·es potentiel·les mais aussi avec les éditeurs de logiciels. L’animation est un secteur qui est aujourd’hui très pénétré par la technique. La qualité des logiciels mais aussi leur prix et leurs conditions de disponibilité et de maintenance, par exemple, sont des questions très importantes pour les écoles. Le RECA s’est donc saisi de ces questions sous l’angle financier mais aussi en se demandant s’il était toujours indispensable de rester prisonnier de l’offre de certains éditeurs qui ont une position quasi monopolistique et qui peuvent être tentés d’en abuser.
« Qu’est-ce qu’une bonne école ? » et « Le RECA doit-il être un réseau des bonnes écoles ? » : ces questions se sont posées d’emblée au réseau et nous n’avons toujours pas trouvé de réponse pleinement satisfaisante. Un des critères, qu’il faut mettre en regard avec notre souci de moraliser le marché de la formation, pourrait être le caractère effectivement professionnalisant des formations. Mais pour qu’il ne s’agisse pas seulement d’un mot, il faudrait pouvoir le démontrer. Nous avons commencé à rassembler les chiffres mais c’est un travail lent et difficile car il n’y a quasiment pas de statistiques sur les parcours, et nos seules forces n’y suffisent pas. Nous espérons collaborer sur ce dossier avec le SPFA et le groupe Audiens, qui gère la protection sociale des salarié·es du secteur, et aussi avec les syndicats de salarié·es. Nous savons que 5000 personnes environ travaillent dans le secteur, 80 à 85% d’entre eux sont intermittent·es et ils disparaissent des radars dès qu’ils/elles arrêtent de travailler. Si nous avions ces chiffres et si nous étions capables de les analyser, nous pourrions savoir ce qu’est le secteur de l’animation en France aujourd’hui, en quantité mais aussi en qualité. Mais la question de la professionnalisation n’épuise pas celle de la formation. Des écoles comme l’Ensad par exemple ne revendiquent aucunement cette qualité. La section Animation de l’Ensad forme des talents artistiques, sans chercher à les connecter à une industrie spécifique et cette déconnexion n’empêche pas les diplômé·es d’être sollicité·es par l’industrie, car elle a aussi besoin de ces talents.
L’autre question est celle de la spécialisation. Là où il y avait peut-être une dizaine de métiers en 1980, la convention collective de l’animation recense aujourd’hui 175 fonctions, réparties dans 13 filières. Quid du caractère généraliste ou spécialisé des formations ? Quelles sont les attentes des employeur·es ? Aucune école ne saurait raisonnablement prétendre former à chacun de ces postes. Le débat entre polyvalence et spécialisation est toujours ouvert. La formation dans le secteur est aussi marquée par cette tension entre la nécessité d’apporter au marché des techniciens compétents, une compétence soumise à l’évolution permanente des outils, et d’autre part de former des talents graphiques censés se nourrir d’une culture visuelle et d’une culture tout court.
Au sein du RECA, nous estimons que l’engagement sur la transparence et le travail avec d’autres pour concourir au bien commun du secteur va de pair avec une certaine qualité de la formation mais on ne peut pas prétendre pour autant que le RECA rassemble toutes les meilleures écoles. Il y a aussi de bonnes écoles qui n’en sont pas, parce qu’elles préfèrent travailler dans leur coin, ce qui peut s’entendre, et il y a sans doute aussi dans le réseau des écoles moins bonnes que d’autres, car la vie des écoles est ainsi faite qu’elles pouvaient être excellentes il y a 5 ans, l’être moins aujourd’hui et le redevenir peut-être dans quelques années.
La solution vraiment satisfaisante serait la labellisation sur la base des statistiques d’embauche des étudiant·es mais cette proposition se heurte à certaines difficultés. A défaut, nous travaillons plus modestement avec la CPNEF (Commission Paritaire Nationale Emploi Formation) pour établir une cartographie aussi précise que possible de l’offre de formation. Nous en avons recensé une soixantaine sur tout le territoire, hors RECA. Pour chacune d’elle, nous établissons une fiche descriptive et l’ensemble sera accompagné de conseils à destination des étudiants et de leurs familles.
Mais il faut rester attentif à l’écart entre le nombre de jeunes formé·es chaque année et les possibilités d’emploi du secteur. Il n’est pas question de décréter de façon malthusienne qu’il faut former moins mais il serait souhaitable qu’on y réfléchisse davantage avec le secteur économique et les institutions, le CNC mais aussi les organismes de formation permanente. Il y a aussi des débouchés à l’étranger, qui correspondent d’abord aux cycles de besoins des grands studios. C’est une réalité depuis une vingtaine d’années et on ne peut que s’en réjouir, d’autant que certain·es reviennent ensuite en France enrichis de cette expérience, qui in fine profitera au secteur national. Il y a aussi d’autres débouchés dans des secteurs connexes comme le jeu vidéo et le graphisme pour l’internet, même si ces secteurs ont leurs propres formations.
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Témoignage publié dans le guide des formations 2014.