Je suis ce que l’on appelle un visual thinker, c’est-à-dire que je pense prioritairement en image et dans l’espace. J’ai suivi des études d’arts plastiques, d’esthétique et de psychologie, mais plus que le monde de l’art, ce sont la création et la communication visuelle sous toutes leurs formes qui me passionnent. Je leur consacre d’ailleurs une grande partie de mes recherches en sémiotique.
J’ai d’abord enseigné le cinéma et l’audiovisuel dans le secondaire puis à l’université Paris 8 où j’ai dirigé le département Infocom. J’y ai ouvert un cours de conception et de réalisation de vidéo-communication qui offrait aux étudiants la possibilité de réaliser de véritables courts-métrages institutionnels pour des commanditaires. J’ai toujours privilégié les pédagogies de projets réalistes. Je crois fermement à l’expérience concrète pour valider et enrichir les acquis. Je suis pragmatique et je pense que c’est à l’épreuve du réel que la pensée prend vraiment sa signification.
Dès les premiers pas du multimédia, j’ai été très intéressé par la polyvalence de cette technologie. J’enseignais alors les théories de l’information et de la communication à l’Institut International de Télématique (INIT) et, conformément à mes convictions, j’ai voulu tester mes compétences dans ce domaine. À l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, avec ma collègue Françoise Julien-Casanova, nous avons conçu un premier CD-Rom d’initiation à l’histoire de l’art. « L’Annonciation, de la Renaissance à nos jours ». Ce CD-Rom a été réalisé pour le Centre National d’Enseignement à Distance (CNED) et la Réunion des Musées Nationaux (RMN) et a eu un réel succès tant pour la formation à distance qu’auprès du grand public. C’était aussi la démonstration que nous avions acquis les compétences techniques, éditoriales et pédagogiques dans ce domaine. Nous avons alors demandé et obtenu la création d’un DESS en multimédia qui est aujourd’hui devenu le Master Multimédia Interactif (MMI) que je dirige depuis sa création en 2000.
Dès l’origine, nous nous sommes situés du côté de la médiation de la culture et des savoirs. Nous formons donc à Bac +5 des étudiants qui sont attirés par les industries de la création et de la connaissance. Comme ce master est jumelé avec le Centre de Recherche, Images, Cultures et Cognitions (CRICC), nous travaillons dans une logique de recherche & développement, c’est d’ailleurs ce qu’apprécient nos étudiants et nos partenaires. Comme nous faisons en permanence de la veille technologique et que notre programme est très flexible, nous le réorganisons régulièrement pour nous adapter aux nouvelles tendances et même pour anticiper les changements. En ce moment, nous évoluons vers toutes les formes de design de service, du design participatif au design d’inclusion, et nous allons de plus en plus intégrer le serious game. Nous travaillons d’ailleurs avec un partenaire industriel leader de ce marché.
Il y a 2500 ans, Confucius avait établi un constat qui est aujourd’hui encore plus vrai : « J’entends et j’oublie, je vois et je me souviens, Je fais et je comprends ». C’est un peu notre maxime : non seulement nous croyons aux vertus des médias multiples, ainsi qu’à l’interactivité comme mode d’action, mais nous en faisons notre principe pédagogique. Dans notre master, tout ce qui est enseigné est aussitôt mis en œuvre et, en retour, nous essayons de théoriser et de formaliser ces pratiques. Cette pédagogie de projet est cœur de nos formations. Nous disposons de cinq « sites école » qui chaque année sont confiés aux nouvelles équipes qui doivent les mettre à jour en termes de contenu, d’interface et de technologie. Tous les apprentissages des cours sont immédiatement réinvestis dans la pratique de l’Internet. Dès le second semestre, le master se transforme en agence multimédia. Les étudiants développent des produits interactifs pour des commanditaires qu’ils ont recherchés et qui leur font confiance. Je peux vous assurer que dans ces conditions, tous les cours prennent un sens très aigu, qu’il s’agisse de droit, de management, de direction artistique, de design ou de sémiotique des interfaces.
Nous recherchons un profil idéal : développeur multimédia, bon graphiste, cultivé, avec des compétences pour la communication multimédia et de bonnes aptitudes au management de projet. Cela existe, mais une grande partie de nos étudiants a plutôt une double compétence : développement et communication, graphisme et développement, culture et management, etc. Nous veillons à ce qu’ils deviennent aussi polyvalents que possible et c’est le cas pour la majorité d’entre eux à la sortie de la formation.
Nous prenons 20 étudiants par an, venant de tous les secteurs (multimédia, design, informatique, communication, management, culture) et de tous les pays du monde, ce qui crée un formidable melting-pot très stimulant pour eux comme pour nous. Ils sont d’abord sélectionnés à partir de dossiers puis convoqués pour une audition à l’issue de laquelle nous constituons notre promotion.
Comme nous avons d’excellentes relations avec nos anciens étudiants, nous suivons leurs carrières et nous savons qu’ils travaillent essentiellement dans tous les nouveaux métiers de la création et de l’internet. Ils et elles sont chefs de projets internet, Internet Manager ou Web master, architectes d’information, directeurs artistique interactif, chargés de communication web et multimédia, User experience lead, User experience designer, Web designer, Interaction designer, Motion designer, Flash developpeur, chargés d’accessibilité web, chefs de projet e.formation, chargés de mission technico-pédagogique, Interactive Creative Manager, Web executive producer, Marketing & Communication Manager, etc. Ils travaillent le plus souvent dans de grandes agences. Chaque année, quelques étudiants créent aussi leur entreprise et nous les y incitons.
Les noms des métiers de nos anciens étudiants n’existaient pas il y a à peine dix ans et il en va de même pour leurs activités. On peut certes les rapprocher des métiers de l’édition, de la documentation, de l’informatique, de la création et de la communication, mais les logiques ont changé fondamentalement. Il y a très peu de domaines qui ne sont pas transformés par le numérique, les réseaux, les interfaces et les écrans. Du monde professionnel aux pratiques culturelles et amicales, tout se numérise et s’interconnecte à haut débit. En moyenne, les Français passent chaque semaine 31 heures de leur temps libre devant les écrans. Pour beaucoup, il faut aussi ajouter au moins autant d’heures dans la vie professionnelle. Ces transformations de la vie sociale sont très loin d’être achevées et nous en sommes les acteurs. Pour cela, il faut être curieux et créatif, aimer le changement et les technologies, aimer être multiconnecté et aimer partager. Il faut aussi pouvoir travailler des jours et des jours sur un projet sans compter son temps, être passionné, exigeant et perfectionniste. Si c’est le cas, il suffit d’avoir un Master 1, et tenter d’entrer dans un Master 2 professionnel comme le nôtre.
www.multimedia-sorbonne.com
(Témoignage publié dans le guide des formations 2010)