Marie-Anne Fontenier, Directrice de Supinfocom/Supinfogame

Marie-Anne Fontenier, Directrice de Supinfocom/Supinfogame

Après avoir fait l’école des Beaux-arts de Nancy, avec une spécialisation en design graphique, Je suis partie au Canada pendant deux ans où j’ai travaillé, entre autre, à la création de tissus avant de revenir en France en 1973, pour participer à la création de l’université de technologie de Compiègne qui montait une division design.

J’avais donc des entrées dans le milieu de l’informatique tout en gardant mon côté graphiste et plutôt artistique. En 1987, j’ai été contactée par la Chambre de commerce et d’industrie du Valenciennois qui souhaitait mettre en place des formations pour la reconversion des habitants de la région, alors sinistrée par la crise de la sidérurgie. La Chambre de commerce a créé une filière infographie, qui concernait le domaine de la PAO et la communication d’entreprise. Je donnais des cours en communication visuelle et j’ai tout de suite parlé de sensibilité, de la naissance des émotions. Supinfocom, Ecole supérieure d’informatique de communication, est né dans ce sillage, en 1988, sous l’impulsion de la chambre de commerce.

Ce lancement était alors un véritable défi puisqu’il n’y avait alors ni formation, ni étudiants, ni enseignants spécialisés dans la région.

De part mes précédentes expériences, j’avais des contacts avec les sociétés françaises pionnières dans ce domaine, ce qui nous a permit de faire venir des intervenants et de nouer des liens très forts entre l’enseignement et le milieu professionnel.

J’ai axé la pédagogie sur une méthodologie de production, chaque étudiant devant réaliser un court métrage de fin d’étude. Ces films circulent dans les festivals où certains d’entre eux obtiennent des prix, ce qui nous a permit de construire une notoriété. Je coordonne aussi le festival des E-magiciens, à l’occasion duquel nous collaborons avec d’autres écoles telles que l’Enjmin ou les Gobelins, pour donner une visibilité aux prototypes réalisés par les étudiants. Au fil des années, notre réputation s’est renforcée et beaucoup de nos étudiants travaillent aujourd’hui dans les studios de production en France mais aussi à Londres ou aux Etats-Unis.

Nous accordons beaucoup d’importance au scénario, à l’écriture et à l’aspect artistique. Pour nous, cette notion de direction artistique est capitale. L’un de nos trois enseignants permanents est un plasticien qui vient de la sculpture. Il enseigne le dessin mais aussi le modelage et il peut suivre les étudiants sur la modélisation de personnages, sans être lui-même infographiste. Nous avons fait le lien entre infographie, 3D et jeux vidéo parce que certains de nos étudiants s’orientaient en sortant du cursus infographie vers des sociétés de jeu vidéo qui cherchaient des infographistes spécialisés sur la 3D pour la partie image et l’animation des personnages. Nous avons mené une enquête en France et en Europe qui a mis en évidence un manque de formation dans les métiers du game design. Le game designer, c’est celui qui fixe les règles du jeu, avant que le level designer n’en définisse les niveaux.

En 2001, nous avons ouvert Supinfogame, spécialisé en game design et gestion de production et nous venons tout juste d’ouvrir une filière game design et infographie, si bien qu’en dernière année d’étude, lorsque les étudiants réalisent des prototypes de jeu vidéo, les étudiants des deux filières travaillent ensemble. Depuis, nous avons crée une autre école Supinfocom à Arles et en 2008, nous avons ouvert un campus à Puna en Inde qui regroupe les écoles Supinfocom, Supinfogame et l’Institut supérieur de design, ce qui nous permet de faire des échanges entre étudiants français et étudiants indiens.

Supinfogame et Supinfocom sont des structures voisines, ce qui permet un échange entre les étudiants qui est assez fructueux. En fin d’année, ils développent des prototypes qui doivent être jouables, dans un cadre qui se veut être le plus professionnel possible en définissant un cahier des charges qui doit être respecté.

Il est possible d’intégrer l’école directement après le baccalauréat, en cycle préparatoire intégré. Le cursus complet dure 4 ans : un cycle préparatoire de deux ans après le baccalauréat permet d’acquérir les fondamentaux. On commence par les jeux de plateau, l’histoire du jeu vidéo, l’écriture interactive, la programmation informatique. Nos enseignements sont très variés, ce qui permet d’ouvrir nos étudiants à différents types de jeu, puisque l’avenir va voir éclore une multitude de nouveau supports, outre les consoles, ordinateurs et téléphone mobiles. Nous sommes là pour prendre des risques, expérimenter et développer la créativité de nos étudiants. Nous tentons de nous maintenir à la pointe de l’évolution des supports et des outils. Depuis quelques années, nous suivons de près l’évolution des supports de jeu sur téléphonie mobile, qui est déjà très développée au Japon. Ce qui est intéressant, c’est de développer de nouveaux concepts de jeux qui vont mêler des interfaces peut-être encore inconnues, en intégrant par exemple la géo localisation, ou encore la voix.

Avec la Chambre de commerce et le Pôle image, nous avons décidé de nous spécialiser dans ce que l’on appelle le serious game, qui utilise les ressorts ludiques du jeu dans différentes applications concernant toutes sortes de secteurs, le sport, la santé ou l’éducation par exemple. Certains de nos étudiants ont ainsi travaillé sur un projet de jeu destiné à mesurer la douleur chez les enfants et à dédramatiser le protocole médical. Ils ont réalisé un prototype et l’un des anciens élèves a crée son entreprise pour en poursuivre le développement. Ce jeu est désormais utilisé dans le milieu médical.
Il y a de l’emploi en France dans le secteur du jeu vidéo mais cela nécessite de faire une veille constante, à la fois des évolutions technologiques et des projets en cours. Le rapprochement avec le marché indien en pleine expansion permet à nos étudiants d’élargir leurs horizons professionnels.
Pour se lancer dans le jeu vidéo il faut être passionné par cet univers, beaucoup jouer et essayer des jeux nouveaux. Il est nécessaire de développer une créativité et un esprit critique, d’être ouvert et curieux. Il faut aussi s’exercer à une certaine rigueur et apprendre à travailler en équipe.

www.azeaze.com
(Témoignage publié dans le guide des formations 2010)