ingénieur du son et mixeur
Est-ce que je me souviens des tous premiers sons que j’ai perçus ou est-ce que je les imagine ? J’entends des bruits filtrés par le ventre de ma mère, les voix de mes parents et puis les cloches de l’abbaye où nous vivions dans une campagne du midi de la France. Ce sont des sons auxquels je tiens, des sons que j’ai enregistrés plus tard, quand j’ai eu mes premiers micros et mon premier enregistreur.
Très jeune, j’ai été attiré par la musique dans le cadre d’ateliers d’éveil musical. J’ai pratiqué la flûte avant de jouer dans une fanfare, puis, à l’adolescence, j’ai découvert les techniques du son dans le cadre de stages en radio et sur des scènes musicales variées lors de festivals d’été. J’ai aussi animé brièvement une émission de radio où je tentais de reconstituer l’histoire du rock. C’étaient mes premiers moments en studio.
J’ai déménagé ensuite au Mans, où j’ai intégré un D.E.U.S.T Acoustique, Vibration et Traitement du signal, qui m’a permis de me familiariser avec la physique du son et l’électroacoustique et de découvrir les bruits et les fréquences qui balayent le spectre audible dans le laboratoire de mesure. J’ai terminé ce cursus à Radio-France dans le cadre de recherches en acoustique des salles. A Paris, j’ai fréquenté les salles de concert et les cinémas et je me suis inscrit au forum des images, ce qui me permettait, pour une somme modique, de voir deux à trois films par jour et d’écouter des conférences.
J’ai réussi ensuite le concours de l’Insas et je suis parti pour Bruxelles. L’Insas propose une approche transdisciplinaire du son et fonctionne selon un mode très collectif, avec des échanges multiples. J’y ai fait beaucoup de rencontres et j’ai pu y faire mes premières expériences de travail : tournage de films, montage son, mixage, création radiophonique, enregistrement de musique, live. C’est ainsi que je suis rentré petit à petit en contact avec la réalité de ce milieu.
A la suite de ces formations et encore aujourd’hui, je rencontre des technicien·nes, des cinéastes avec qui je tourne des films, projets documentaires, fictionnels ou à la frontière. Ce sont des expériences uniques. Des rencontres avec des univers en mouvement, des personnes qui créent et élaborent un discours en rapport avec le monde et ses réalités. A la suite des réflexions sur le scénario et des repérages, on travaille sur le plateau à enregistrer les scènes, les actions, les dialogues, en rapport avec la lumière et l’image. On recherche aussi des sons additionnels, des ambiances et des effets pour compléter la partition sonore du film. J’enregistre beaucoup et je fabrique aussi des sons en studio.
L’ingénieur·e du son fait face à de multiples situations de prise de sons et doit opérer des choix en fonction des critères, des enjeux techniques et esthétiques qu’il/elle rencontre. Les tournages documentaires sont une bonne école pour faire ses armes même si je constate que, malheureusement, certains projets se passent aujourd’hui de preneur de son.
Parallèlement au cinéma, j’ai continué à tourner des radios et à participer à des résidences. Certains projets m’amènent à voyager de par le monde et à découvrir d’autres cultures.
Il n’y a pas une manière de faire du son, l’exercice de ce métier est en étroite relation avec la dimension spécifique de chaque projet, nécessitant un dispositif approprié : enregistrer la voix des acteur·rices ou une musique live, capter les sons des atmosphères et des ambiances, monter le son d’un film pour ensuite le mixer, créer une radiophonie, travailler sur l’acoustique environnementale… Domaine en perpétuel élargissement, le son est en ouverture sur le monde et passe par une mise en commun enrichissante au sein de chaque dispositif. L’apprentissage de ce métier s’inscrit toujours dans un regroupement de savoirs et de perceptions, et dans un recoupement de situations à travers lequel s‘élabore une pratique professionnelle.
Avec l’évolution des mœurs et des technologies, l’ingénieur·e du son d’un film monte parfois les sons et réalise aussi le pré-mixage ou même le mixage du film. L’amélioration des technologies et en particulier les développements de l’informatique, ont augmenté les exigences. La conception de la bande son est beaucoup plus élaborée et il est possible de travailler avec un maximum de paramètres ouverts jusqu’au bout du mixage comme par exemple la spatialisation. Celle-ci va prendre encore plus de sens au cinéma avec l’arrivée de la 3D sur certains gros projets.
Le travail avec le/la réalisateur·rice est prépondérant·e. Il/elle est le/la moteur·e et le/la meilleur·e guide des intentions du film. Il faut apprendre à se servir de toute son intuition pour retranscrire son point de vue à l’aide des matières et des outils adéquats, l’accompagner tout au long du processus de fabrication.
L’ingénieur·e du son oriente les différents éléments et leur impose un ton et un rythme, tels que ce nouveau monde prenne une cohérence, une cohésion, une signification. A l’approche intuitive du réel, se substitue une composition. Les voix, les bruits et les atmosphères de notre quotidien deviennent des acteurs sonores. Musicalisés, ils sont source d’imagerie auditive dans les esprits des auditeurs, au travers du prisme de leur propre imaginaire.
Les pratiques sonores sont au service de l’écriture, d’histoires, de projets d’expression contemporaine. Le son est quelque chose de sensoriel qui met en œuvre une mécanique physique très fortement émotionnelle. On vit d’abord le son par sa propre expérience. On est un écoutant de ce monde, un·e auditeur·rice de radio et de musique, un·e spectateur·rice de théâtre et de cinéma. Ce rapport à l’écoute évolue depuis la naissance de l’enregistrement et de la reproduction sonore.
Le désir de faire, la culture et les expériences personnelles, les voyages et les rencontres, sont autant d’éléments importants dans un parcours où la dimension humaine est prépondérante.
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Témoignage publié dans le guide des formations 2010.