L’Université de Poitiers a été la première à proposer une formation au documentaire, avec la création en 1996 du DESS Réalisation documentaire et nouvelles technologies (devenu Master depuis la réforme LMD), puis à mettre en place en 2004 une formation au documentaire animalier. Cette formation est hébergée par l’Institut francophone de formation au cinéma animalier de Ménigoute (IFFCAM), qui est géré par le Conseil général des Deux Sèvres. Cette formation concerne le monde animalier mais aussi plus largement la nature. Elle a été créée à l’initiative de professionnels du secteur tels que Jacques Perrin, Alain Bougrain-Dubourg et Luc Charbonnier, et des organisateurs du festival de Ménigoute. Elle repose ainsi sur un partenariat original entre le milieu universitaire, les professionnels du cinéma animalier et les collectivités territoriales.
Au départ option de deuxième année de Master, le documentaire animalier dispose d’un parcours complet et autonome depuis 2008. Il peut être complété par un DU Techniques et méthodes de la photographie nature, ouvert aux étudiants de Master 2 pour renforcer leurs compétences en matière de cadre et également aux salariés en formation continue. Chaque promotion comporte une douzaine d’étudiants, venus d’horizons très diversifiés (biologie mais aussi économie, journalisme, arts du spectacle, sciences humaines, techniques audiovisuelles, philosophie…) mais partageant une double passion pour la nature et le cinéma. Le recrutement s’opère sur toute la France et un peu à l’étranger (Europe, Maghreb).
La formation articule contenus théoriques et pratique du cadrage et de la prise de son sur le terrain. Elle fait appel à de nombreux professionnels du cinéma animalier et repose sur une pédagogie de projet, qui met au centre de la formation le documentaire que réalise chaque étudiant, sans négliger les aspects collectifs qu’implique la production cinématographique. Sont ainsi constituées des équipes de trois, comprenant un réalisateur, un cadreur et un preneur de son. Au delà des contenus techniques audiovisuels et naturalistes, très importants dans le documentaire animalier, la formation met l’accent sur l’écriture cinématographique et les techniques d’investigation et d’enquête issues des sciences sociales, telles que l’entretien approfondi, l’observation participante, la réflexivité, méthodes déterminantes pour assumer un regard subjectif sur le monde, lequel constitue, de mon point de vue, la caractéristique saillante d’un bon documentaire.
Cette formation s’inscrit dans un projet ambitieux d’affirmation et de développement d’un cinéma animalier francophone, lequel pêchait trop souvent au niveau de l’écriture documentaire, de la démarche d’investigation et de l’affirmation d’un regard d’auteur malgré une grande qualité d’images et de connaissances naturalistes. Avec le recul qu’autorisent six années de fonctionnement de la filière documentaire animalier, un bilan de cette formation et des métiers auxquels elle prépare peut être effectué. Sur la bonne cinquantaine de diplômés, la quasi totalité est restée dans le secteur et en contact avec notre filière, qui fonctionne comme une école avec une association d’anciens très active. Nombreux sont ceux parmi les premières promotions qui ont réalisé leur premier film et qui travaillent dans les métiers du cadre, de la prise de son ou du montage. Nombre d’entre eux réalisent des films de commande dans le champ assez large de la protection de la nature, de l’éducation à l’environnement et de la promotion de la biodiversité.
Ces résultats confirment l’intérêt d’une formation spécifique au documentaire animalier, même s’il s’agit d’un créneau professionnel étroit, qu’il ne faut pas saturer, ce qui explique les petits effectifs et notre volonté d’ouvrir la formation à des étudiants étrangers, notamment issus du monde francophone. L’expérience montre que s’il y a bien une spécificité des techniques de prise de vue et de son, celle-ci est transférable dans un domaine relativement large que l’on peut qualifier de documentaire nature, s’ouvrant aux questions plus sociales et politiques telles que l’environnement et la biodiversité et interrogeant notre rapport au monde et aux autres espèces.
(Témoignage publié dans le guide des formations 2010)