J’ai grandi en Autriche avant d’étudier les sciences politiques en France puis la philosophie en Espagne, tout en m’intéressant au journalisme et en travaillant en tant que cadreur dans une petite télévision locale, en marge de mes études. En revenant en France, j’ai intégré l’École de journalisme de Science Po, puis fait des piges pour différents médias (télé, presse et multimédia). Durant mes vacances, je travaillais pour la télévision autrichienne, qui cherchait de nouvelles compétences pour le web. J’ai ensuite intégré plusieurs sociétés de production audiovisuelle et web, notamment l’agence web Upian (où j’ai collaboré au webdocumentaire Gaza-Sderot en tant qu’assistant de production) et la Compagnie des Phares et Balises (où j’ai écrit et coordonné le projet 27 et moi à l’occasion des élections européennes 2009).
En 2010, j’ai rejoint le pôle web d’ARTE France, où je suis responsable, comme chargé des webproductions, du bon déroulement des phases de développement, production et animation des créations web (webdocumentaire, webséries, webfictions). Je participe au choix des projets en lisant ceux que nous recevons (15 à 60 dossiers par mois) et en les évaluant en fonction de différents critères : le sujet, la narration, la maquette…
Une partie croissante de mon travail consiste à chercher de nouveaux talents, repérés dans les festivals d’arts numériques, tels « Offf » à Barcelone ou l’« Ars Electronica » à Linz, mais aussi dans certains festivals de documentaire plus « classiques », comme l’IDFA à Amsterdam ou le « Sheffield Doc Fest ». Par ailleurs, je passe également beaucoup de temps à effectuer une veille documentaire sur ce qui se fait déjà sur le web, notamment en termes d’interfaces, de narrations et de technologies, avec des nouveautés qui surgissent quotidiennement.
Le webdoc intègre de très nombreux formats et se nourrit selon moi d’influences très diverses : journalisme, cinéma, littérature, jeu vidéo, peinture, photographie… Avant tout, il ne faut pas oublier qu’une production pour le web, qu’il s’agisse de fiction, de documentaire ou de reportage, c’est l’art de raconter une histoire, avec une forme spécifique de narration. Puis, c’est penser multimédia, c’est-à-dire savoir à quel moment il est judicieux d’utiliser la photo, le texte, la vidéo ou le dessin dans un récit. Il est simplement essentiel de se poser les questions de base : quelle est l’histoire qui est racontée ? Comment l’utilisateur va-t-il pouvoir s’impliquer ? Quand ? Comment ? Qu’est-ce que l’interactivité va lui apporter de plus ?
Le webdoc ouvre ainsi sur différents métiers : on peut travailler au sein de la production, du journalisme, du graphisme, de la programmation ou encore de la réalisation. Et il est important de s’intéresser aux métiers des autres. Dans le cadre des cours que je donne en école de journalisme, je conseille par exemple à mes étudiants d’acquérir des notions en programmation. Ces connaissances leur permettront d’avoir un langage commun avec les développeurs et de savoir ce que l’on peut faire ou non.
Concrètement, en ce qui concerne les « nouveaux métiers » du genre, il y a avant tout le chef de projet : il doit, selon moi, avoir des notions de journalisme et connaître les langages HTML ou JavaScript, tout en sachant gérer une équipe. Puis il y a, bien sûr, le comunity manager, qui s’occupe de développer les communautés sur les réseaux sociaux. Il est chargé de publier des contenus adaptés aux communautés qu’il essaie de toucher. Pourquoi est-ce important ? Parce que, contrairement à la télévision, le web n’est pas un média de masse mais un réseau. L’audience sur internet, c’est la communauté que forme des gens qui s’intéressent aux mêmes choses, qu’il s’agisse de mode, de cinéma ou de géopolitique. Pour cette raison, un programme peut très bien fonctionner dans un pays et pas dans un autre. Par exemple, notre webdoc sur le printemps cubain, Havana-Miami, pour lequel nous avions un partenariat avec Internazionale (l’équivalent italien de Courrier international), a ainsi connu un grand succès en Italie mais non en France.
Si le webdoc ouvre sur différents métiers, il faut donc veiller à garder une grande polyvalence. Nous ne sommes qu’au début du processus d’intégration multimédia : la presse écrite se met de plus en plus à l’image et au son ; la télévision va faire de l’écrit et du son ; la radio va se mettre à faire de l’audiovisuel. De nouveaux diffuseurs vont apparaître : le journal britannique The Guardian vient de lancer sa chaîne de télé, Google propose de la VOD en HD. Et tout ce qui sera sur le web sera accessible avec des appareils connectés, des grands écrans plasma en passant par des appareils légers comme les tablettes jusqu’aux petits mobiles ultra-compacts.
(Témoignage publié dans l’édition 2012/2013 du Guide des Formations)