Après un BEP et un Bac pro d’électromécanique, en parfaite continuité avec un univers familial où la voiture régnait en maître (mon père est passionné de voitures anciennes et mon frère est spécialiste des Harley Davidson), j’ai opéré un virage radical en faisant les Beaux-arts à Metz et, après un bref passage dans le design d’interface graphique pour CD-Rom, j’ai passé les concours de la Fémis et du Fresnoy. J’ai été reçu à celui du Fresnoy et j’y ai réalisé mes deux premiers courts métrages, « Camille » et « Oscillations », deux films fortement marqués par une esthétique fantastique. En sortant du Fresnoy, j’ai fait avec le GREC « Sous le signe du serpent », un court métrage qui a circulé dans une quinzaine de festivals et qui a été acheté par la chaine Ciné-Cinéma.
Pour le court suivant, « L’Innocence », j’ai obtenu la bourse Beaumarchais, ainsi que l’aide du CNC et celle de la Région Champagne-Ardenne. Le film, tourné en 35mm en noir et blanc et sans dialogues, met en scène deux enfants aux visage dissimulés derrière des masques à gaz de la guerre de 14-18, qui se battent pour un morceau de pain dans un paysage désertique. Cette histoire est inspirée d’une photo ancienne trouvée dans le magazine L’Illustration. C’était un projet difficile, nous avons tourné en plein hiver sur un terrain militaire, dans des conditions météorologiques vraiment très dures (tempête, pluie, boue, neige, grêle…) et c’était la première fois que je travaillais avec un producteur. J’avais l’impression que tout m’échappait et je me suis même demandé à un moment si je n’allais pas arrêter là ma carrière de réalisateur.
Mes quatre premiers courts métrages jouent beaucoup sur la frontière entre réel et imaginaire et la manière dont un monde contamine l’autre. Avec le recul, je crois que j’ai fait du fantastique pour de mauvaises raisons, ce sont des films qui ont de belles images mais qui manquent d’émotion. En 2006, j’ai réalisé « La vie d’Anaïs » avec l’envie d’explorer de nouvelles pistes. J’ai choisi un sujet plus classique, les états d’âme adolescents, et j’ai décidé d’axer le film sur les dialogues des protagonistes, une première puisque mes films précédents étaient sans paroles. Sur ce film, j’ai monté le projet avec une association et j’ai dirigé moi-même la production, avec une coproduction franco-belge et l’aide du CRRAV (Région Nord-Pas de Calais) ainsi que du Conseil général de la Seine St-Denis. Le film a été diffusé par Arte en 2007.
J’ai décidé ensuite de réaliser « L’Arbre de Noé », un projet qui sommeillait dans un carton depuis cinq ans. C’est un film dans lequel les choses sont tenues en suspens, évoquées à demi-mots, l’histoire d’un garçon un peu introverti qui se sent grandir et ne peut s’appuyer sur aucune figure adulte pour vivre cette transformation. Il y est question de l’incommunicabilité entre une mère et son fils et de l’absence du père.
J’ai fait à deux reprises une demande de contribution financière au CNC (Aide au court métrage) et j’ai fini par obtenir une aide à la réécriture de 1500€, la commission trouvant le film intéressant mais inabouti. J’ai alors réécrit le projet avec la scénariste Mariette Desert mais l’aide m’a été refusée.
La société Ysé Production, qui a produit le film, a recherché des financements auprès des collectivités territoriales. La Basse-Normandie était prête à nous aider mais refusait le cumul et, en l’absence d’un pré-achat d’une chaine de télévision, le budget était trop juste pour faire le film. Il a donc fallu renoncer au soutien de la Basse-Normandie et repartir en quête, ce qui s’est révélé un bon calcul puisque nous avons eu finalement les aides de la Région Aquitaine (30 000€) et du Conseil général du Limousin (25 000€), complétée par un apport de 5000€ du Conseil général de la Dordogne, soit au total un budget de 60 000€.
Le film a été tourné en Super 16 avec une petite équipe d’une quinzaine de personnes dans les environs de Brive-la-Gaillarde. J’ai repris pour le tournage un principe d’improvisation que j’avais déjà expérimenté dans « La vie d’Anais » et que j’ai encore radicalisé : alors que pour le précédent film, je donnais le scénario à lire aux acteurs en leur demandant de ne pas apprendre les dialogues, pour celui-ci, je ne leur donnais pas de scénario mais je leur expliquais la situation de base, à charge pour eux de se l’approprier et d’y mettre leurs propres mots, ce qui permettait d’avoir quelque chose de plus naturel, de moins figé.
Le montage s’est étalé sur deux mois, ce qui peut paraître long pour un film de vingt minutes, mais il a fallu trouver un rythme qui, comme l’histoire que le film raconte, était tenu et fragile. Après un mois de travail intensif, nous avons continué en travaillant deux jours par semaine, en laissant la matière se reposer entre chaque session.
Le monde du court-métrage permet ce genre d’approche. Je conçois mes films comme des petites histoires autonomes et non comme des cartes de visite. Bien sûr, le format court permet d’exister en temps que cinéaste, de rencontrer des gens et de se créer un petit réseau, mais c’est surtout pour moi une façon d’expérimenter des choses, en matière de direction d’acteur par exemple. Je suis toujours en train de chercher, d’explorer de nouvelles pistes, c’est très enrichissant.
Depuis quelques semaines, j’ai intégré l’atelier d’écriture de scénario de long-métrage de la Fémis et parallèlement, je réfléchis à un projet de moyen-métrage qui me permettrait d’essayer une direction d’acteur moins tournée vers l’improvisation, quelque chose de plus mis en scène, de plus cadré.
(Témoignage publié dans l’édition 2009 du Guide des Aides)