Ma cinéphilie a été très précoce comme celle de nombreux adolescents de ma génération, tels que Serge Daney, Alain Bergala et bien d’autres. J’ai crée un ciné-club dans mon lycée quand j’étais en classe de seconde, puis un ciné-club hors scolaire, lié à une revue de cinéma marseillaise, Contrechamp.
J’ai préparé le concours de l’IDHEC au lycée Voltaire, mais je ne suis vite aperçu que la réalisation de films ou l’écriture de scénario me motivait peu. Ce qui m’intéressait, c’était l’histoire du cinéma, l’esthétique et l’analyse des films, ce que j’avais étudié avec Henri Agel et Jean Mitry. J’ai ensuite fait des études littéraires et linguistiques puis un mémoire de maîtrise sur la parole dans les premiers contes moraux d’Eric Rohmer, et enfin une thèse de doctorat sur Octobre de S.M. Eisenstein et Muriel d’Alain Resnais. Armé d’une longue pratique de la programmation et de l’animation en ciné-club, j’ai commencé à enseigner comme chargé de cours à Censier, dans le département d’études cinématographiques qui venait d’être créé. Cet enseignement a pu se développer au cours de la décennie 1975-1985, grâce au concours de nombreux chargés de cours et nous avons obtenu la création d’une licence nationale d’études cinématographiques et audiovisuelles en 1986.
La question stratégique reste cependant celle de la formation professionnelle. C’est un vaste débat qui traverse toutes les filières universitaires depuis la démocratisation massive des années 60. On a mis en place d’une part un système hyper sélectif, celui des grandes écoles, et d’autre part un système ouvert, celui des universités publiques. Comme les autres filières littéraires (ou de sciences sociales), les filières cinéma à l’université ne peuvent plus se contenter de préparer les étudiants aux seuls concours d’enseignants (Capes et Agrégation) ou d’enseignants chercheurs. Il faut rappeler ici qu’il y a en moyenne un poste de chercheur ouvert pour 50 à 60 candidats, un rapport qui rappelle celui des grandes écoles de cinéma (plus de 1 000 candidats pour 30 sélectionnés).
Par ailleurs, il ne faut pas avoir une version restrictive de la professionnalisation. Quand on pense « cinéma et audiovisuel », on pense généralement aux seuls métiers de la réalisation ou aux métiers techniques, alors que le marché, déjà étroit (surtout si on le réduit aux longs métrages), est saturé par les promotions issues des grandes écoles de cinéma et de la nébuleuse des écoles privées. Mais ce secteur n’est que la partie survalorisée symboliquement d’un ensemble plus vaste où l’on trouve les courts métrages, les films documentaires, les films d’entreprise, les films publicitaires et tous les métiers liés à la télévision ou aux images numériques, tant du point de vue de la production que de la diffusion.
Lorsqu’on veut se former au cinéma à l’université, il est donc important de bien distinguer les formations culturelles et les formations professionnalisantes, en sachant que la professionnalisation intervient surtout au niveau de la seconde année de Master, l’enseignement jusqu’à la licence étant plutôt culturel, fondé sur les théories du cinéma, l’esthétique, l’histoire du cinéma, l’analyse de films, avec des compléments en sociologie ou en économie de l’audiovisuel.
Quelques universités proposent cependant des formations plus techniques dès le premier cycle mais ces formations n’accueillent que des effectifs réduits d’étudiants sélectionnés sur dossier. La pédagogie d’atelier suppose des groupes de 12 à 20 personnes au maximum. Or l’entrée libre à l’université, sur le seul critère de l’obtention du bac, entraîne inévitablement des cohortes de plusieurs centaines d’élèves regroupés dans des cours magistraux, incompatibles avec l’enseignement des pratiques, même du scénario.
Au niveau du Master, il convient de bien distinguer les Masters « Recherche » et les Masters « Professionnel ». Les Masters « Recherche » prolongent la formation culturelle des licences et ouvrent aux études doctorales, mais peuvent aussi êtres utiles pour préparer des métiers liés à la distribution ou l’exploitation cinématographique, pour ne prendre que l’exemple de ce secteur.
Les Masters professionnels concernent des spécialités, telles que les métiers du documentaire ou ceux liés à la valorisation du patrimoine. Certains proposent des profils plus particuliers comme « Diffusion des Arts et des savoirs de l’image » (Lyon), « Ingénierie de l’audiovisuel » (Toulouse), ou encore « Didactique de l’image » (Paris 3). Tous ces Masters comportent plusieurs mois de stage en entreprises audiovisuelles et il est vivement conseillé aux candidats d’avoir déjà une première expérience dans le domaine étudié.
(Michel Marie a publié de nombreux ouvrages sur le cinéma ainsi qu’un « Guide des études cinématographiques et audiovisuelles », aux éditions Armand Colin).
(Témoignage publié dans l’édition 2010 du Guide des Formations)