J’ai fait les Beaux arts de Paris de 1982 à 1987, en peinture. Il n’y avait pas encore de machines à l’école à l’époque, mais j’avais depuis le lycée, où je faisais une section Arts plastiques, entendu parler d’art sur ordinateur. Aussi, après les Beaux arts et tout en continuant la peinture, j’ai fait un stage d’un an en infographie à l’Ecole Estienne, que j’ai complété par un stage multimédia de quatre mois chez Doranco.
En 1995, j’ai écrit un scénario d’animation autour des petites annonces de Libération, un projet de 13 x 1 minute. C’est à cette occasion que j’ai rencontré l’équipe d’ART 3000. Ayant entendu dire qu’ils mettaient des machines à disposition des artistes, je leur ai présenté mon projet et ils m’ont accueillie dans leur atelier.
Il y a six stations Sun, deux Macintosh et un PC, avec des logiciels 2D, 3D et réalité virtuelle, ainsi que des outils de création sonore interactive. On peut utiliser ces machines sans contrainte de temps. L’animateur de l’atelier, Armand Behar, passe deux fois par semaine. Il est lui-même plasticien. Il n’impose pas une « ligne », comme dans ces ateliers où il faut travailler dans l’esprit d’un professeur pour qu’il vous accepte. Ici, chacun est libre de développer son discours comme il l’entend, dans la mesure où son projet a été accepté. La rançon de cette indépendance est de devoir parfois se débrouiller seul, par exemple en se plongeant dans une documentation ardue pour maîtriser un logiciel.
Outre la mise à disposition des machines, l’intérêt de l’atelier est de pouvoir rencontrer d’autres artistes et d’échanger sur nos projets et nos difficultés. On fait ainsi des séances de « déballage » où chacun montre où il en est. Ces échanges nous aident à nous questionner et à avancer dans notre propre création.
J’ai terminé mon film à la fin 1996, Il s’appelle « Des autres univers » et dure 1’47. Le résultat final est assez éloigné du projet pour lequel j’étais venu à ART 3000 un an plus tôt.
J’ai réalisé ensuite la partie graphique (dessins sur papier et modélisation 3D) d’une fiction interactive sur ordinateur, « Le temps de l’amour », dont l’auteur est Florent Aziosmanoff. En septembre 1997, la chorégraphe Catherine Langlade m’a également proposé de réaliser sur ordinateur une partie des images qu’elle souhaitait intégrer dans son spectacle « Holocorps et faits des corps ».
Parallèlement, j’ai commencé à travailler sur mon propre projet, un environnement interactif baptisé « J’aime ce blanc avant tout », sur le thème de la rencontre. C’est une installation composée d’un écran au sol, dont partent des fils. Le spectateur déclenche, ou ne déclenche pas, selon sa présence, une animation vidéo. J’ai pu utiliser pour les séquences vidéo le studio de prise de vues de l’ENSCI, l’école de design qui héberge ART 3000.
Le projet n’est pas financé pour l’instant, ce qui rend les choses plus longues et compliquées. J’ai fait une demande d’aide à la DRAC mais je n’ai pas encore de réponse. Mon projet exige des développements informatiques complexes, que je ne maîtrise pas. Aussi, ai-je rencontré une informaticienne, Sylvie Tissot, qui travaille sur un autre projet à l’atelier et un compositeur, Roland Cahen, qui travaille pour sa part sur l’environnement sonore du projet (l’animation se déclenchant aussi par le son).
L’installation sera présentée dans le cadre de la manifestation « La science en fête », en octobre prochain. J’aimerais qu’elle soit installée dans une pièce blanche, où chacun pourrait entrer seul et la découvrir par lui-même, avec peut-être un petit mot d’introduction.
J’ai délaissé la peinture pour l’instant, mais je poursuis mes recherches plastiques à travers la sculpture. Si les nouvelles technologies permettent de nouvelles façons de voir, il ne faut pas en exagérer la portée. Ce qui m’intéresse, c’est toujours le concept. L’interactivité induit de nouvelles écritures, mais elle est aussi en partie une illusion, puisque c’est l’artiste qui choisit quand et comment l’utilisateur pourra entrer dans le jeu. La machine n’est qu’un outil. Ce n’est pas la sophistication des techniques qui compte, mais l’idée qu’elles permettent de mettre en œuvre.
(Témoignage publié dans l’édition 2004 du Guide des Aides)